Synthèse des échanges

La synthèse des différentes tables rondes de cette journée s’est notamment basée sur les comptes-rendus rédigés par les étudiant-e-s de 1re année de la Licence de sociologie de l’Université Paris Cité, dans le cadre de leur participation à l’UE « Migrations, Ethnicité, Racisme » assurée par Cyprien Meslet et Aude Rabaud.

Merci à: Antoine Fares Ajard, Maret Alkhastova, Manuela Alvarez Zapata, Ayline Aouam, Anissa Arrhioui, Halimata Ba, Maena Bardou, Yuki Caliterna, Giulia Caravello, Lalie Cartier, Sabrina Chauvin, Manon Chevallier, Paul Chevallier Clinchamp, Sokona Cisse, Ambre Cretet Massarut, Marion Da Silva, Lucas Datil, Mariama Diawara, Harouna Diawara, Nina Dupuits, Abir El Toukhy, Noe Faglin, Mbaye Fall, Ines Fellah, Akossiwa Folly, Lola Gautho, Anna Gazel, Midori Goly, Mariana Goncalves, Cylia Gorce Toxe, Lina Hadri, Mahmoud Massoundi Halifa, Elisa Hebert, Stephane Ivanyuk, Kenza Kadi, Meriem Kouka, Orora Kuqi, Monica Alejandra Kuri Gonzalez, Pauline Lassalle, Manon Le Beller, Zoe Le Janel, Clementine Lenfle, Irene Lin, Matey Madina Magassa, Melissa Marin, Juliette Maupertuis Molinier, Morgane Michel, Mamadou Mbaye, Ilse Mohan, Anna Parque, Julia eParys, Shalina Paulat, Aviva Pimbe, Anna Piovesan, Lorine Posenel, Gaia Roncaglia, Lisa Lou Rougerie, Mamadou Sarr, Elona Sasso Ferreira, Justine Seago, Yume Seggaa, Baptiste Sepiol Duchemin, Patricia Uzan, Patricia Uzan, Mollie Wehl, Sarah Zahraoui.

Introduction du Comité d’organisation : Delphin M’BOH, Estelle MIRAMOND, Louise VIROLE

Bonjour et bienvenue à tous·tes dans cette journée “Que fait la loi immigration à l’Université? Informations, Analyses, Ressources”. Le 19 décembre 2023 a été voté un projet de loi pour « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », également connu sous le nom de “loi immigration”, ou “loi Darmanin”, et largement plébiscitée par l’extrême droite. Marquant un durcissement nationaliste et xénophobe particulièrement inquiétant,  cette loi condense de graves attaques contre les droits des étranger·es en France, mais aussi contre les personnes binationales. Elle ne manquera pas d’affecter les personnels étranger·es qui travaillent dans les universités françaises, les étudiant·es internationaux/les déjà inscrit·es à l’université et toutes celles et ceux qui souhaiteraient venir étudier en France. A l’échelle du pays, cette loi entérine un climat de stigmatisation et de panique morale autour de l’immigration et de racisme, dans un contexte où la situation est déjà préoccupante pour les étudiant·es étranger·es dont les préfectures refusent de plus en plus l’octroi ou le renouvellement de leurs titre de séjour.

Le conseil constitutionnel va donner son avis demain : l’objectif de cette journée est de présenter une photographie complète de la gravité des lois qui tentent d’être promulguées en France aujourd’hui afin de prendre la mesure de leur gravité et des moyens engagés pour y résister. Nous remercions nos invité·es juristes spécialistes qui vont décrypter de manière détaillée l’ensemble de cette loi ce matin.

Cette journée résulte de la volonté exprimée de tous·tes les enseignant·es réunis en conseil du département des sciences sociales de l’IHSS le 22 décembre 2023. Le constat était partagé par tous·tes : en tant qu’enseignant·es et chercheur·es, il nous semble fondamental d’agir à notre niveau à la fois pour informer sur les effets de cette loi à l’université, pour donner des éléments d’analyse et de contextualisation de cette loi et enfin pour rendre visible les ressources et outils qui existent pour soutenir les étudiant·es et collègues étranger·es.

Lors de ce conseil de département, la décision a été prise à l’unanimité d’organiser une journée dédiée à cette loi et nous avons voté une motion pour banaliser les cours de tout le département ce jour-là. Un comité d’organisation de cette journée s’est constitué, composé de Delphin M’Boh, Estelle Miramond, Dominique Vidal et Louise VIROLE. D’autres collègues nous ont aussi aidé dans cette tache, nous tenons à remercier notamment Elodie Apart et Vincent Gay pour leur aide. Par ailleurs nous tenons à remercier le laboratoire URMIS qui nous a permis d’imprimer des programmes et des affiches, et le Conseil de département des sciences sociales qui nous a permis d’imprimer des guides pour l’accompagnement des étudiant·es étranger·es qui sont à votre disposition à l’entrée.

Afin d’organiser cette journée nous avons contacté en urgence de nombreuses personnes expertes du sujet ou elles mêmes concernées, qui ont répondu présent·es, merci à elles. Nous avons donc de nombreuses interventions aujourd’hui, organisées en 3 tables rondes.

Les tables rondes réunissent des chercheur·es, syndicats, associations, doctorant·es, et étudiant·es. Un programme varié, comprenant des moments d’échanges, permettra d’explorer en profondeur les différents aspects de la loi.  Nous sommes impatient·es de partager ce moment d’échange et de réflexion avec vous. Merci de votre présence et de votre engagement dans cette démarche collective.

Cette journée représente pour nous une occasion exceptionnelle de témoigner un soutien et une solidarité envers les étudiant·es étranger·es, qui font face à un climat de méfiance. En affichant de manière concrète notre engagement, nous exprimons notre désaccord face aux politiques restrictives en vigueur.

De plus, elle offre une opportunité pour approfondir la compréhension juridique de la loi en question ainsi que ses répercussions concrètes. En rassemblant des spécialistes en sciences sociales, des juristes, des professionnel·les de la santé et d’autres acteur·ices, nous aspirons à analyser les implications légales et sociales de ces mesures.

Dans un contexte où cette loi a soulevé une vague de désapprobation au sein des milieux universitaires, il est impératif de souligner l’ampleur de la mobilisation. À titre d’exemple marquant, le président de l’Université Paris Cité, accompagné de ses homologues des universités partenaires, a cosigné un communiqué en date du 17 décembre 2023. Ce document, également soutenu par les présidents d’autres institutions académiques telles que Paris 8, Saclay, Sorbonne Nouvelle, Panthéon Sorbonne, Paris Nord, Nanterre, INALCO, ainsi que par des universités de provinces telles que Aix-Marseille, Nantes, Strasbourg, Lyon 1 et 2, Toulouse et Bordeaux, est accessible sur le site officiel de l’Université Paris Cité. Par ailleurs, des doctorant·es ont également pris la parole à travers des tribunes, parmi lesquelles celle des doctorant·es de l’URMIS (accessible sur le blog de l’URMIS) et des géographes du laboratoire PRODIGE.

Introduction des représentant·es de l’Université Paris Cité

Trois représentant·es de l’Université Paris Cité prennent la parole pour l’introduction de cette journée. Le président de l’Université Paris Cité a été invité mais n’était malheureusement pas disponible aujourd’hui.

Fabienne HaniqueDirectrice du conseil du département des sciences sociales

Fabienne Hanique prend brièvement la la parole pour souhaiter la bienvenue et rappeler le rôle du Conseil du département des sciences sociales de l’IHSS à l’origine de cette journée.

Xavier SenseVice-président du conseil d’administration de l’UPC

Xavier SENSE souligne l’impact négatif de cette loi sur les valeurs d’humanisme, d’universalisme et d’ouverture des universités. Il craint que certaines mesures, telles que le dispositif de caution et les droits d’inscription différenciés, hiérarchisent les étudiants étrangers et compromettent l’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Xavier Sense estime que la loi ne répond pas aux enjeux contemporains et plaide pour une approche plus adaptée aux transformations mondiales, mettant en avant l’idée d’une hospitalité inconditionnelle plutôt que conditionnelle. Il suggère de s’appuyer sur l’histoire, la citoyenneté, la démocratie et le droit international pour repenser l’accueil des étrangers et favoriser l’innovation et la création de savoir.

Julia Motte-Baumvol, Vice doyenne des relations internationales de la faculté des sciences humaines à l’UPC

Julia MOTTE-BAUMVOL exprime le souhait de renforcer la politique d’internationalisation de l’université malgré les obstacles législatifs. Elle critique la future loi sur l’immigration, soulignant les problèmes liés aux quotas basés sur la nationalité et leur impact sur la mobilité étudiante. Elle estime que la loi est inefficace, dogmatique, et ne correspond ni à l’université ni à la recherche internationale. Les cautions symboliques pour les cartes de séjour sont jugées inutiles, et la loi risque de placer la France en situation de désavantage concurrentiel. L’obligation de justification annuelle des études est critiquée comme arbitraire, créant un climat d’incertitude et de stigmatisation. La majoration des frais d’inscription crée une barrière financière et va à l’encontre du principe d’enseignement public et gratuit en France. La suppression des aides aux étrangers sans emploi accroît leur précarité, affectant particulièrement les jeunes chercheurs étrangers et ternissant l’image et les valeurs de la France.

Table ronde #1: Informations : décryptage de la loi et de ses effets juridiques

Animation : Estelle MIRAMOND

Cette table ronde a pour but de sensibiliser les étudiants à l’impact que cette loi a sur les populations migrantes, incluant donc les étudiant·es, et questionne sur le recul que celle-ci suppose quant aux conditions d’accueil et de vie en France pour les migrant·es. Chaque intervenant·e va examiner de manière approfondie les dispositions que la loi mettra en place et leurs conséquences concrètes sur la vie des étranger·es en exil.

Patrick HENRIOT, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI)

Patrick HENRIOT, membre du GISTI, commence par présenter sommairement la loi, qui est passée de 27 articles à 86 articles lors du vote final.  La loi, “monstrueuse par son contenu et par ses implications morales” questionne les avancées qui avaient été faites jusque-là, ainsi que la part de responsabilité de la droite sénatoriale dans les propositions de loi. Bien que le projet de loi se profile comme équilibré avec des dispositifs comme la régularisation des travailleurs étrangers dans un secteur en tension, la présence de neutrons et de cavaliers législatifs entraîne le risque de suppression de ces mesures.

D’autre part, une concurrence au sein du Sénat se matérialise par la surenchère des mesures restrictives et répressives à l’égard des droits des personnes étrangères sur le territoire français, exerçant ainsi une pression sur le gouvernement en raison de l’alliance de la droite. Cette loi s’inscrit dans la continuité des lois précédentes mais marque une rupture par son agressivité et par sa régressivité. Elle se présente comme une “entreprise de déconstruction des droits des personnes étrangères”.  Des avancées qui avaient été faites au cours des années précédentes sont coupées court par les nouvelles mesures prévues par la loi, notamment par rapport au droit de séjour.

En effet, deux logiques transversales sont sous-tendues par l’ensemble des articles. Tout d’abord une logique de suspicion généralisée, avec des critères d’application vagues de la loi ce qui donne davantage de liberté au préfet et donc la possibilité de manipuler les textes dans le cadre de la “rupture de contrat” ou le “non-respect des valeurs de la République”. Cette loi met en place des mesures qui ne s’appliquent pas aux nationaux, notamment le non-respect de la République ce qui montre une forme de peur ou de soupçon quant aux agissements des étrangers de façon générale.

D’autre part, la loi établit la figure de l’étranger fraudeur avec par exemple des fichiers pour les mineurs suspectés d’avoir commis une infraction ou la restitution de la preuve est extrêmement difficile à apporter, et les critères d’application sont très contraignants, bloquant implicitement l’accès au territoire selon les profils. Cette difficulté à l’accès au territoire se voit également par une inversion de la tendance entre obtention du droit de séjour et intégration dans la société d’accueil. L’image de l’étranger “menaçant par nature” est visible tout au long de la loi avec l’utilisation des termes “ menace à l’ordre public”. Finalement les dispositifs mis en place par ce projet de loi augmentent le pouvoir du préfet et un risque d’arbitraire. Le respect à la vie privée et familiale conformément à l’article 8 de la CEDH pourrait être détourné par la défaillance des préfets.

Pauline BECHIEAU, Avocate pour la défense des droits des étrangers (ADDE)

Pauline BECHIEAU aborde la question de la régression des droits et la précarisation des étrangers. La logique de précarisation et la remise en cause du droit au séjour affectent particulièrement les étrangers malades, les demandeurs d’asile ainsi que les personnes qui font l’objet d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).

Dans un premier temps, P. BECHIEAU prend l’exemple des étrangers malades, qui peuvent obtenir un droit de séjour si ils/elles ne peuvent se soigner dans leur pays d’origine. Il faut préciser, que ce qui va être observé n’est pas l’effectivité du médicament dans le pays d’origine, mais s’il existe ou non. Elle met en avant l’exemple de la prévalence du VIH au Cameroun. Selon l’ONU il y aurait eu 10 000 morts du VIH au Cameroun en 2022 alors que le traitement existe sur le territoire, mais il n’est pas accessible (pénuries, inégalités d’accès, etc.).

En second lieu, la possibilité de refuser un titre de séjour pour OQTF et d’autant plus discriminante du fait de la fréquence des déboutés en justice pour la demande d’asile. La généralisation d’un juge unique à la CNDA amplifie cette logique de précarisation car sans collégialité, les décisions rendues peuvent être d’autant plus sévères/ arbitraires.

En troisième lieu, l’exigence d’un niveau de français A2 généralisé pour avoir accès à un titre de séjour pour la carte pluriannuelle est un exemple de disposition discriminante du fait d’un accès à l’éducation et à l’apprentissage du français compliqué. D’autre part, sans carte pluriannuelle, la personne étrangère doit se procurer la carte annuelle qui est disponible un nombre de fois limité entraînant finalement un blocage du droit du séjour. C’est donc une politique discriminante envers les étudiants qui n’ont pas eu accès à l’éducation. Ce paradoxe est en réalité intentionnel.

En outre, les demandeurs d’asile et réfugiés seront impactés d’une autre manière par cette nouvelle loi, via la généralisation du juge unique à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile). A l’heure actuelle, il y a trois juges à la CNDA, ce qui apportait certaines garanties. La collégialité permettait de réguler, car certains juges seront plus disposés que d’autres à ne pas donner l’asile. Dès lors, ce sera un seul juge qui va décider du sérieux de la demande.

Enfin, au sujet de la famille du/de la réfugié·e, celui/celle a 18 mois pour faire sa demande, après ce délai, il/elle devra faire une demande classique qui sera plus complexe et longue. Mais ce n’est pas toujours possible de faire venir sa famille en 2 ans (exemple de l’Iran, et du Pakistan). Ainsi, un dilemme s’impose, soit les personnes sont bloquées après 18 mois, soit elles viennent mais seront dans des conditions de vie précaire.

Thibaud MULLIER, Maître de conférences en droit public, Université Paris Ouest Nanterre

Thibaud MULLIER met en avant les conditions particulières dans lesquelles la loi Darmanin a été votée. Pour commencer, lors de la rédaction du projet de loi, il y avait un désaccord entre le Sénat et les députés et plusieurs ajouts successifs de conditions. Au final les députés ont délibéré sur un texte qu’ils avaient eu très peu de temps de lire entièrement.

L’ancienne première ministre E. Borne, le président E. Macron, et le ministre de l’intérieur G. Darmanin savaient que certaines dispositions étaient anticonstitutionnelles, alors que l’article 5 de la Constitution dispose que le président est garant de la constitution des lois. Le Conseil Constitutionnel va devoir décrypter ce que le gouvernement a dit et vérifier si le texte de loi est en accord avec la Constitution. Cela veut dire que toute la loi ne sera pas examinée par le Conseil constitutionnel, ainsi des articles peuvent passer à la trappe de l’œil du Conseil Constitutionnel. Avant même que le CC rende sa décision, une trentaine d’articles étaient estimés anticonstitutionnels par les juristes.

T. Mullier souligne qu’il s’est passé une instrumentalisation du Conseil Constitutionnel. L’article 6 de la DDHC (déclaration des droits de l’homme et du citoyen), dispose que la loi est l’expression de la volonté générale, mais c’est l’expression de la volonté générale que si elle reste dans le respect de la Constitution (selon la hiérarchie des normes de Hans Kelsen, la constitution est la norme suprême, ainsi la loi ne peut aller à l’encontre de la constitution). Selon T. Mullier, le Conseil constitutionnel est un organisme dysfonctionnel.

Le Conseil Constitutionnel va se prononcer le 25 janvier 2024 seulement sur les articles saisis, il ne va donc pas regarder la loi en entier. Il évoque trois possibilités de décisions du CC:

  1. une possibilité de censure complète
  2. une possibilité de censure partielle (article 61 de la constitution, dispose que certaines dispositions ne sont pas conformes, mais on peut déclarer les autres possibles.
  3. Et enfin, la possibilité d’aucune censure.
Ajout : le CC a rendu son avis le 25 janvier 2024 et a censuré la grande majorité du du texte=> seuls 11 articles ont été déclarés conformes à la Constitution: https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/2023863DC.htm

Rudi OSMAN, Union des Étudiants Exilés (UEE)

Rudi Osman, membre de l’Union des Etudiants Exilés, aborde l’impact de cette loi sur le parcours académique des étudiant·es étranger·es.

Tout d’abord, la loi prévoit des frais d’inscription pour les étudiants étrangers supérieurs aux frais d’inscription des étudiants français. Par exemple pour une licence ils devront débourser 2 770 euros contre 170 euros par an pour les étudiants français. Cela amène une violation de la gratuité en France et une grande discrimnation envers les étudiants en plus grande précarité.  De plus, ils n’auront pas le droit à la bourse du Crous.

D’un point de vue économique, les étudiant·es étranger·es contribuent à la hauteur de 5 milliards d’euros à l’économie française. Cette loi ne prévoyait initialement aucun article concernant les étudiants étrangers, ils ont été rajoutés après des discussions au Sénat et elles n’ont pas de lien avec les autres dispositions de la loi. L’article 1 alinéa 30 évoque le quota migratoire, l’article 11 à 13 évoque la question de caution de retour, les frais d’inscription spécifique de 170 euros pour les demandeurs d’asile plus 2070 euros de frais supplémentaire en licence, 3770 euros de frais supplémentaire en master. C’est une violation de la gratuité de l’accès à l’éducation en France, et l’égalité de traitement différent: Qui mérite l’asile et qui ne le mérite pas ?

En outre, un contrôle des études dit “réel et sérieuse” aura lieu. Cela signifie que la scolarité sera minutieusement regardée par les agents universitaires. Afin de s’assurer à ce qu’un étudiant étranger est en France pour les études et pas pour autre chose. Le contrôle de la qualité d’étude réelle et sérieuse: à qui de décider si une personne est sérieuse dans ses études ? Qui peut décider si tel cursus est sérieux ? D’une part, il n’y a pas assez de personnels mais aussi cela rajoute du travail aux agents.

L’étudiant.e exilé.e arrive en France grâce à un visa ou illégalement se retrouve dans une précarité forte, avec des ressources limitées, des difficultés d’accès aux aides. De même pour les prises de note en cours qui peuvent s’avérer difficile.

Nous pouvons donc voir que ce projet de loi, s’il est accepté, va compliquer la vie des étrangers en mettant tout en œuvre pour qu’ils ne s’établissent pas au long terme en France. De plus, cela va nuire à la diversité culturelle des facultés en France, empêcher les étudiants étrangers d’apporter à la France un impact économique, social et culturel. Les étudiants étrangers préféreront aller étudier dans un autre pays qui est plus accessible au niveau juridique et financier, ce qui va impacter la compétitivité de la France. Les personnes étrangères sont les ambassadeurs de la France car en allant dans leur pays d’origine ils vont parler de leur expériences.

Échanges avec la salle

Il y a une question qui a été posée par rapport à l’aide médicale d’urgence, le rôle du CC (défaillant sur certains points) a-t-il favorisé un renforcement d’un pouvoir des élites ? Des interprétations libres de cette loi ? La loi est-elle contraire à certaines dispositives européennes ?

D’un point de vue du droit européen, le rétablissement du délit de séjour régulier va à l’encontre des directives européennes. La cour de justice européenne a ordonné à la France de supprimer ce délit, soulignant qu’imposer une peine d’emprisonnement à une personne en situation de séjour irrégulier est contraire aux règles européennes. La disposition est dangereuse puisque le tribunal peut prononcer une peine d’interdiction de territoire pendant 3 ans. Le refus de séjour est d’ailleurs contestable, via une voie de recours.

Table ronde #2 :Personnels universitaires et étudiant·es étrangè·res : inégalités et discriminations

Animation : Louise VIROLE

L’objectif de la table ronde est d’aborder les inégalités  et discriminations actuellement subies par les étudiant·es et personnel étranger·es, notamment en termes d’accès au travail, au logement, aux études et à la santé.

Christelle HAMEL, Chargée de recherche en sociologie, INED

Christelle HAMEL aborde la question des discriminations spécifiques subies par le personnel étranger dans les universités. Elle s’appuie sur l’enquête ACADISCRI “Inégalités de traitement, conditions d’étude et de travail dans l’enseignement supérieur et la recherche”.  L’enquête a été menée par questionnaire dans six établissements, dont deux, à faible taux de participation, situés dans les DROM TOM. Le taux de participation pour le personnel est de 20%, quant à celui des étudiants est seulement de 6%. Cette enquête s’applique aux personnes vivant en France métropolitaine. Les répondant-es sont séparé-es en trois groupes: les personnes immigrées, les personnes descendant d’immigré-es, et les personnes françaises de naissance sur au moins deux générations.

Il en résulte que dans les universités parisiennes, les personnes immigrées ou issues de l’immigration ont plus souvent un statut de contractuel-les que de fonctionnaire, statut qui n’est pas forcément lié à une faible ancienneté. Ce phénomène est moins présent dans les universités situées en-dehors de la région Ile-de-France, en partie parce que beaucoup ont fait le choix d’externaliser un certain nombre de métiers liés à l’université, les prestataires en question se retrouvant exclus de l’enquête.

Un autre pan du questionnaire traite des conditions de travail et de la reconnaissance de celui-ci à travers plusieurs questions: votre travail est-il plus contrôlé ? y a-t-il un manque de confiance flagrant en votre capacité à effectuer correctement votre travail ? vous assigne-t-on beaucoup à des tâches ingrates ? etc. Il n’en résulte que peu de différences entre les trois catégories, à l’exception des personnes d’origine maghrébine dont le travail est un peu moins reconnu. Cependant, il ressort que les périodes de congés et les horaires assignés aux personnes immigré-es  et descendantes d’immigré·es, surtout d’origine maghrébine, sont souvent peu arrangeants. Leur problèmes personnels (situation familiale, maladie) sont aussi moins pris en considération. Pour ce qui est des propos dévalorisants auxquels doit faire face le personnel étranger, on n’observe peu d’écart entre les personnes issues de l’immigration et la population majoritaire, sauf sur le fait qu’elles voient systématiquement leur nom ou prénom être écorché. Les étudiant-es étranger-es sont pour leur part 10 % à déclarer avoir vécu une situation à caractère raciste difficile à supporter au quotidien au sein de l’université.

Marion TISSIER, MCF en droit public, Université de Bordeaux

Marion TISSIER continue la discussion sur les discriminations subies par les étudiant-es étranger-es. Elle revient sur la mise en place de frais d’inscriptions différenciés pour ces dernier-es par le plan « Bienvenue en France », 15 fois le prix d’inscription. Augmenter le coût des études serait gage de leur qualité, et attirerait ainsi davantage d’étudiant-es internationaux. Les universités françaises résistent comme elles peuvent à cette mesure. Les doctorant-es étranger-es, pour commencer, ont été exonéré-es de ces droits d’inscription au nom de la recherche scientifique. De plus, des clauses permettent aux universités d’exonérer jusqu’à 10 % de leurs étudiant-es, ce que plus de la moitié des universités françaises font. Cependant, au fur et à mesure du temps, la part d’étudiant-es étranger-es dans les universités augmente et peut, dans certains cas, dépasser les 10 %. De plus en plus d’universités appliquent alors les frais d’inscription différenciés. Elles cherchent alors à appliquer des exonérations ciblées sur des critères comme celui de l’excellence, des étudiant-es francophones, originaires de pays à faibles revenus ou de certaines nationalités très représentées dans les universités, créant ainsi une situation d’inégalités entre les étudiant-es étranger-es.

De plus, ces étudiant-es font face à des difficultés spécifiques, à savoir la délivrance parfois tardive de leur visa, un accès problématique au logement puisqu’iels n’ont pas droit à une résidence CROUS dans certaines licences, la prise de notes qui peut s’avérer compliquée, le fait de devoir travailler et une situation juridique précaire. Toutes ces difficultés s’accumulent et créent une situation difficile à vivre.

Zineb EL GHARBI & Rosa-Muriel MESTANZA, Doctorantes en sciences sociales (EHESS / UPC)

Zineb El Gharbi (EHESS) et Rosa-Muriel Mestanza (UPC) racontent être venues faire leurs études en France et sont désormais en doctorat. Engagées dans la défense des droits des étudiant·es étrange·res, elles prennent la parole pour appuyer la nécessité d’organiser la lutte dans un contexte où manquent largement des structures de mobilisation. Elles rappellent le droit de toustes d’exercer son droit politique, et insistent sur le fait que les étudiant-es étranger-es encourent plus de risque que les étudiant-es français-es en se mobilisant.

El Gharbi et Mestanza ont participé à la mobilisation (partiellement victorieuse) contre l’augmentation des frais d’inscription des étudiant·es étranger·es il y a quelques années. Elles ont parlé de la création de l’association « On étudie ici, on reste ici » et elles ont dénoncé le manque d’une institution ou groupe politique qui réunisse tous les étudiants étrangers, qui diffèrent selon leur nationalité, par le fait de faire du militantisme ou pas et qui souffrent d’une grande difficulté à se rencontrer.

Muriel PRUDHOMME, Médecin, Directrice du service de santé étudiante 

Muriel PRUDHOMME intervient sur la santé des étudiant-es étranger-es et la discrimination qu’iels subissent dans l’accès au soin. Globalement, leur état de santé se dégrade, en même temps que leur situation sociale. Elle relève notamment un accroissement des troubles anxio-dépressifs et des psychotraumatismes liés aux violences subies qui concernent en majorité les étudiant-es exilées.  En raison de leur situation souvent précaire, l’accès au soin (et au droit) leur est plus compliqué. M. Prudhomme travaille au service de santé étudiante, qui est un service essentiellement financé par l’Université et qui est gratuit.

Elle bascule ensuite sur l’Aide Médicale d’État et sa possible suppression, en soulignant qu’il s’agit d’une aide très peu coûteuse pour l’assurance maladie (1,2 milliards en France, c’est-à-dire 0,4 % de l’ensemble des dépenses assurance maladie) et dont très peu d’étranger-es bénéficient réellement.

Solana RAMADAN, Myriam HAKEM, Abdoul WAHAB CISSE

Cette table ronde se termine sur l’intervention de Solana Ramadan, membre de l’Union des Étudiants Exilés, Myriam Hakem, membre du Syndicat Ecume et Abdoul Wahab Cisse, membre de Réseau Université Sans Frontières.

Solana Ramadan témoigne d’une déception générale de la part des étudiants étrangers, dont le parcours universitaire devient impossible à cause des frais à payer, et l’impossibilité de demander des bourses pour le logement. Elle a décrit cette situation comme « une manière indirecte de dire que c’est ok de ne pas être éduqué ». Myriam Hakem, représentante du Syndicat étudiant Écume a souligné le stress que subissent les étudiants étrangers, qui ne peuvent même pas tomber malades parce qu’ils n’ont pas la possibilité de se soigner.

Les intervenant·es soulignent que la reconnaissance des diplômes étrangers en France coûte 90€ par diplôme, auxquels s’ajoutent les frais d’inscription à l’université mentionnés plus tôt. Sans papiers, le financement des études s’avère extrêmement compliqué pour les étudiant-es. Ce problème du financement est largement présent, et les étudiant-es étranger-es font face à un manque flagrant de solutions, à une chaîne de difficultés qui a pour point de départ l’obtention d’un titre de séjour.

Abdoul Wahab Cisse expose les problèmes liés aux titres de séjour, notamment les retards, la perte des dossiers et le manque de réponse de la préfecture. Il a critiqué la digitalisation du processus et a dénoncé la précarisation résultante des étudiants étrangers.

Les étudiants exilés rencontrent des difficultés pour renouveler leur titre de séjour, ce qui entraîne des difficultés pour se trouver un job, se nourrir et finalement se trouver un logement. Le réseau universitaire est là pour accompagner les étudiants dans leur démarche de renouvellement de titre de séjour. Compte tenu du fait que,  la préfecture néglige souvent le renouvellement des titres de séjour des étudiants, et il existe un manque d’accompagnement pour les étudiants étrangers et doctorants.

La table s’est conclue par des anecdotes personnelles, des témoignages et des réflexions sur les difficultés rencontrées par les étudiants étrangers et le personnel universitaire, soulignant la nécessité de lutter contre les discriminations et les inégalités dans le contexte universitaire.

Echanges avec la salle

Les représentantes de la CGT personnel (Emilie Radjai et Sandra Lafon) et des membres des études chinoises de l’Université Paris Cité (Béatrice Laridon, responsable des études chinoises de l’UFR LCIAO) qui sont dans la salle prennent la parole.

Table ronde #3 : Ressources, outils et perspectives

Animation : Delphin M’BOH

La troisième table ronde s’est tenue dans le cadre d’un engagement à identifier et à discuter des ressources et des perspectives qui pourraient être partagées avec les enseignant.e.s, le personnel et les étudiant·es afin de contrer les effets de cette loi. Elle se distingue comme un espace privilégié pour l’analyse approfondie et la discussion des ressources, des outils et des perspectives dans la lutte contre les répercussions de la législation sur l’immigration au sein de l’université. Dans ce contexte, il paraissait opportun de rappeler l’existence d’une ressource de première importance destinée aux étudiants étrangers, à savoir le guide élaboré par le GISTI. Cet ouvrage constitue une référence offrant conseils et repères aux étudiants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière. Fruit d’une collaboration, ce guide est désormais disponible en format papier, fourni par le département des sciences sociales, tout en étant accessible en ligne.

La question initiale posée lors de cette table ronde invitait les intervenant·es à dresser un état des lieux des constats relevés par leurs organisations respectives quant à la situation actuelle. Dans la foulée, il était utile de mettre en avant les outils ainsi que les espaces qui ont été développés afin de soutenir le personnel enseignant, les étudiantes et étudiants étrangers en situation de précarité, confrontés à des obstacles dans leur accès aux études, à l’enseignement et à l’emploi, notamment au sein de l’université.

Claire FAVE, Référente égalité, diversité et inclusion du collège des écoles doctorales de l’UPC

Claire FAVE occupe le poste de référente en matière d’égalité, de diversité et d’inclusion au sein du collège des écoles doctorales de l’Université Paris Cité. Sa mission s’inscrit dans la lutte contre toute forme de violences et de discriminations susceptibles de survenir au sein de l’institution académique. Son action s’articule autour de plusieurs axes stratégiques, englobant la prévention, le signalement, la formation, ainsi que la recherche et l’évaluation.

Elle s’investit activement dans la sensibilisation de la communauté universitaire à travers la mise en place de séances dédiées. Ces interventions ont pour but d’éclairer les membres de l’université sur les différentes manifestations de violences et de discriminations, tout en leur fournissant des outils adéquats pour les identifier et les combattre.

En parallèle de cette action préventive, C. FAVE accorde une importance au signalement des actes de violence. Elle encourage les étudiant·es, les enseignant·es et le personnel administratif à dénoncer tout comportement inapproprié ou toute situation de discrimination dont ils et elles pourraient être témoins ou victimes. Ce processus de signalement est une étape essentielle dans la lutte contre les injustices et les violences au sein de l’institution académique, permettant ainsi de mettre en place des mesures correctives adaptées.

De plus, C. FAVE initie des programmes de formation destinés à sensibiliser les membres de la communauté universitaire aux enjeux de l’égalité et de la diversité. Ces formations, intégrées dans les Unités d’Enseignement (UE), visent à doter les étudiant·es et le personnel des connaissances nécessaires pour favoriser un environnement inclusif et respectueux de la diversité.

Enfin, l’action de C. FAVE s’étend également à la sphère de la recherche et de l’évaluation. Elle participe activement à la collecte de données et à l’analyse des tendances en matière de violences et de discriminations au sein de l’université. Cette démarche permet d’évaluer l’efficacité des politiques et des actions mises en place, tout en identifiant les domaines nécessitant une intervention supplémentaire.

Fanélie CARREY-CONTE, Secrétaire générale de la CIMADE

Lors de cette séance, Fanélie Carrey-Conte, exerçant en qualité de Secrétaire Générale de la CIMADE, a présenté les multiples initiatives de l’organisation en faveur des étudiant·es étranger·es. Elle a mis en avant leur engagement à faciliter l’accès à la justice pour ces individus, ainsi que leur assistance dans les procédures d’asile. Les permanences mises en œuvre par la CIMADE visent à offrir un soutien concret à une diversité de personnes, incluant notamment l’accompagnement dans l’apprentissage de la langue française pour les étudiant·es dépourvus de titre de séjour.

F. Carrrey-Conte révèle que les actions de la CIMADE ne se limitent pas à des interventions individuelles, mais englobent également la lutte contre les préjugés et les stigmatisations à l’égard des migrant·es. Leur implication dans les Centres de Rétention Administrative (CRA) ainsi que leur proposition d’alternatives aux politiques migratoires attestent d’une approche globale et engagée en faveur de la défense des droits des personnes étrangères.

Cependant, elle souligne les obstacles rencontrés par son organisation, notamment les difficultés d’accès aux préfectures. Cette réalité administrative complexe entrave les efforts déployés pour soutenir pleinement les étudiant·es étranger·es dans leurs démarches légales et administratives.

Mylène STAMBOULI, Ligue des Droits de l’Homme Paris 

Dans sa présentation, Mylène Stambouli, représentante de la Ligue des Droits de l’Homme à Paris, aborde les répercussions de la législation sur l’immigration dans le contexte universitaire. Elle soulève l’existence déjà en place d’un dispositif de contrôle rigoureux concernant la vérification des études pour les étudiant·es étranger·es, tout en rappelant la restriction les limitant à un seul redoublement. Cependant, elle exprime des inquiétudes quant à une détérioration potentielle de leur situation dans le cadre de cette nouvelle loi.

Face à cette conjoncture préoccupante, M. Stambouli propose une série de stratégies de résistance et de mobilisation. Elle évoque notamment la mise en œuvre d’ateliers de sensibilisation visant à informer et à éduquer les acteurs universitaires sur les enjeux complexes de l’immigration. De plus, elle souligne l’importance de saisir le Conseil constitutionnel afin de contester la constitutionnalité de certaines dispositions de la loi. Dans cette perspective, elle met en lumière le rôle essentiel des délégations envoyées auprès des parlementaires pour les sensibiliser et les inciter à voter contre cette législation controversée.

Par ailleurs, elle met en avant la nécessité de combattre vigoureusement les discours et les pratiques fondés sur une logique de division, symbolisée par le motif “eux contre nous”, qui alimente les tensions identitaires et racistes. Elle plaide en faveur d’une solidarité renforcée et d’une approche inclusive, favorisant la reconnaissance et le respect de la diversité culturelle au sein de l’université. Elle souligne l’importance d’une action collective et déterminée pour protéger les droits et la dignité des étudiants étrangers.

Jeanne GERARD-RAIMBEAU, Union des Étudiants Exilés

Jeanne Gérard-Raimbeau, représentante de l’Union des Étudiants Exilés, a pris la parole afin de détailler les actions et les engagements de son organisation. Son intervention a permis de comprendre l’engagement de l’Union des Étudiants Exilés envers les étudiant·es en situation d’exil, en fournissant un soutien tout au long de leur parcours académique, créant un pont un pont entre les étudiant·es exilé·es et les institutions universitaires.

L’UEE met en place des permanences accessibles à tous les exilé·es. Son intervention a souligné le rôle de l’Union des Étudiants Exilés dans la promotion de l’égalité des chances et de l’accès à l’éducation pour tous. Son discours a réaffirmé l’engagement de cette organisation envers la justice sociale et la dignité humaine.

Viviana ESPITIA-PERDOMO, Réseau Université Sans Frontières

Lors de son intervention, Viviana Espitia-Perdomo a éclairé l’assemblée sur les activités et les défis auxquels le Réseau Université Sans Frontières (RUSF) fait face. Cette organisation, engagée dans le soutien des étudiant·es sans papiers à travers des permanences organisées au sein des universités, se trouve confrontée à des difficultés majeures résultant de l’intervention des préfectures et des forces de l’ordre.

V. Espitia-Perdomo a évoqué l’impératif d’un accès à une assistance juridique qualifiée pour les étudiant·es sans papiers, soulignant que les interactions avec les préfectures et les autorités policières placent souvent ces individus dans des situations complexes et délicates, nécessitant une présence spécialisée pour garantir leurs droits et leur sécurité.

Une des préoccupations  qu’elle a soulevé concerne le rôle des préfectures dans ce qu’elle qualifie de “fabrication” d’étudiant·es sans papiers. Elle a ainsi dénoncé une stratégie politique visant à rendre ces individus responsables de leur situation administrative, ce qui contribue selon elle à une institutionnalisation du racisme.

Face à ces contraintes, V. Espitia-Perdomo exhorte  l’assemblée à développer des alliances avec des professionnel·les du droit et d’investir dans l’autoformation et la formation continue en collaboration avec d’autres organisations. Ces initiatives visent à renforcer les capacités des membres du RUSF à contourner les obstacles juridiques et administratifs rencontrés dans leur lutte pour les droits des étudiant·es sans papiers.

Cependant, elle a également souligné que les mobilisations et les actions de protestation se heurtent souvent à des obstacles tangibles, en raison des conditions matérielles précaires dans lesquelles elles se déroulent. Ainsi, elle a insisté sur la nécessité de lutter contre l’isolement et de créer des espaces de solidarité pour renforcer la résilience et l’efficacité des mouvements de soutien aux étudiant·es sans papiers.

Delphin M’Boh: Seconde question à la table ronde : Quelles sont les mobilisations en cours, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’université, et les perspectives à construire pour résister à cette loi et aux discriminations que subissent les étranger.e.s sur le sol français ?

Mariama SIDIBE, Coordination Sans Papiers 75 et Marche des solidarités

Mariama Sidibé, représentante de la Coordination Sans Papiers 75, a pris la parole lors de cet événement pour dénoncer vigoureusement le traitement injuste et discriminatoire infligé aux immigré·es en France. Avec une conviction sans faille, elle a mis en lumière les aspects répressifs d’une législation qui ne cesse de se durcir, s’attaquant ainsi à l’intégrité et à la dignité des individus.

Au cœur de son intervention, M. Sidibé a pointé du doigt une politique gouvernementale marquée par la criminalisation des personnes immigrées, les reléguant ainsi à un statut de parias au sein de la société. Avec une éloquence saisissante, elle a exposé les conséquences dévastatrices de cette approche, soulignant la nécessité impérieuse d’une réaction collective et résolue face à cette oppression systémique.

M. Sidibé a mis en avant le récit poignant du parcours tumultueux d’une femme immigrée en France, mettant en evidence les épreuves et les obstacles qu’elle a dû surmonter pour simplement exister et survivre dans un environnement complexe et discriminatoire. Son témoignage, empreint d’émotion et de vérité, a résonné dans l’assemblée, rappelant à tous l’humanité et la dignité qui sont trop souvent niées aux personnes immigrées.

M. Sidibé a appelé à une mobilisation résolue contre les politiques gouvernementales racistes et discriminatoires. Elle a souligné l’importance de la solidarité et de l’unité dans cette lutte, insistant sur le fait que c’est ensemble, en s’unissant dans une résistance collective, que nous pouvons espérer renverser les injustices et construire un avenir plus juste et égalitaire pour tous.

La prise de parole de M. Sidibé a été un puissant rappel de l’urgence d’agir face à l’oppression et à l’injustice qui sévissent dans nos sociétés. Sa voix, porteuse de courage et de détermination, résonne comme un appel à l’action, invitant chacun et chacune à se dresser contre l’injustice et à œuvrer ensemble pour un monde meilleur, où chaque individu est respecté et traité avec dignité, indépendamment de son origine ou de son statut administratif.

Cybèle DAVID, Solidaires, Unies contre l’immigration jetable (UCIJ)

Lors de cette table ronde, Cybèle David, représentante de l’organisation Solidaires, Unies contre l’immigration jetable (UCIJ), a mis en exergue l’impérieuse nécessité pour les collectifs engagés dans la lutte contre le projet de loi sur l’immigration de s’unir et de coordonner leurs efforts. Selon elle, ce projet législatif s’inscrit dans la lignée d’une conception utilitariste de l’immigration, mais il présente une radicalité accrue qui requiert une mobilisation sans réserve contre l’intégralité de ses dispositions.

C. David a également abordé l’opération Wuambushu, une initiative policière orchestrée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et déployée à Mayotte depuis avril 2023. Cette opération, caractérisée par des expulsions brutales de personnes en situation irrégulière, suscite son indignation. Elle déplore notamment une prise de conscience tardive quant à la gravité du projet de loi et un manque de réactivité de la part de l’ensemble de la société face à cette situation.

Dans son discours, C. David a clairement exprimé sa préoccupation quant à l’essor de l’extrême droite, dont les idées imprègnent déjà les sphères du pouvoir. En contrepoint, elle a plaidé en faveur d’une politique migratoire empreinte de solidarité, affranchie des impératifs économiques. Pour elle, cela implique la reconnaissance et la garantie des droits fondamentaux des personnes migrantes, notamment la liberté de circulation et d’installation.

Echanges avec la salle :

Au cours des échanges interactifs avec les participants, plusieurs questions ont été posées, portant sur les stratégies à adopter pour libérer de l’espace au sein du CROUS et pour établir des réseaux d’entraide efficaces. De plus, des interrogations ont été soulevées quant aux démarches à entreprendre pour fournir un accompagnement institutionnel adéquat, ainsi que sur la légitimité des actions telles que les occupations et les grèves.

V. Espitia-Perdomo a souligné la nécessité d’organiser des mobilisations au sein même de l’université, tout en encourageant la collaboration avec les collectifs de sans-papiers, afin de mettre en avant les problématiques liées à la précarité étudiante et de faire pression pour obtenir des changements au niveau du CROUS. Elle a insisté sur l’impact positif de ces actions collectives, les considérant comme des leviers essentiels pour faire valoir les droits des étudiant·es les plus vulnérables.

De son côté, J. Gérard-Raimbeau a plaidé en faveur d’une approche axée sur la création de réseaux, mettant en avant l’importance du dialogue, de l’échange d’informations et de la solidarité entre les différentes parties prenantes. Selon elle, la construction de collaborations solides et la mutualisation des ressources sont des éléments clés pour renforcer la résilience des étudiant·es précaires face aux défis rencontrés.

Ces interventions ont éclairé l’assemblée sur la complexité des enjeux liés à la précarité étudiante et ont souligné l’importance d’une approche globale, combinant à la fois l’action directe et la coopération constructive. Elles ont également mis en évidence le potentiel transformateur de l’engagement collectif et de la solidarité dans la quête de solutions durables pour améliorer les conditions de vie et d’études des étudiant·es les plus fragilisé·es.

Conclusion de la journée

La journée s’est conclue par des réflexions sur les mobilisations futures, l’importance de la solidarité et la nécessité de lutter collectivement contre les discriminations et les inégalités.