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Coordonné par Pierre Bras, Corps sexué, corps genré : une géopolitique, L’Homme et la Société, n ° 283-284, (1 – 2), Paris, L’ Harmattan, 2017
Recension par Louis Moreau de Bellaing
Coordonné par Pierre Bras, Corps sexué, corps genré : une géopolitique, L’Homme et la Société, n ° 283-284, (1 – 2), Paris, L’ Harmattan, 2017
Si le corps sexué et, aujourd’hui, le corps genré ne parviennent pas, dans les représentations qui en sont données, à mettre en cause l’oppression qui pèse sur eux lorsqu’il s’agit de corps hétéro-normalisés ou hétéro-normativisés, la conception d’une géopolitique des corps humains s’impose. Mais seule l’idée d’une auto-émancipation, articulée à cette géopolitique, peut parvenir à instaurer, a minima, la liberté et l’égalité entre et en ces corps d’êtres humains, indépendamment des différences et des perceptions sociale de ces différences qui peuvent être produites par des corps humains entre eux.
Si l’on fait quelque peu abstraction des rubriques habituelles qui apparaissent dans chaque numéro de la revue, on peut répartir les articles des auteurs et auteures en trois grandes catégories : 1/ des articles qui se veulent théoriques comme l’éditorial et l’article de Michel Kail, l’introduction de Pierre Bras, auxquels on peut ajouter un article sur Heidegger et la question juive, une note de lecture sur un livre de Geneviève Fraisse et celle que j’ai faite sur Marcel Bol de Bal et son Eloge du phallocrate, 2/ le débat théorique Butler/ Mitchell qui comporte cinq articles 3/ des articles sur des terrains, néanmoins théorisés : le mariage transgenre à Hong-Kong, la fragmentation des corps et celle des droits, l’émigration rom, le processus d’écriture et l’authenticité, corps et mémoire, une présentation des trois tomes du roman de Virginie Despentes,Vernon Subutex, un article sur les nounous, le terrorisme anti-avortement au Etats-Unis, C’est dire la richesse de ce numéro de l‘Homme et la Société. Je ne pourrai rendre compte de tous les article, mais je m’efforcerai, autant que possible de rappeler l’essentiel. de ceux de la première et de la seconde catégorie, laissant, faute de place, aux lecteurs et lectrices le soin d’apprécier les articles de la troisième catégorie plus concrets.
Dans son éditorial intitulé « Renouveau politique ? » Michel Kail pointe d’abord le ralliement historique de la gauche à l’économie de marché telle qu’elle est, ensuite la dépolitisation voulue de l‘économique et de l’économie, non seulement par les économistes et les praticiens économiques, mais par les politiques et les praticiens de la politique. .L’abolition de la distinction droite-gauche expulse du champ politique « le principe même de son extension » : l’égalité. Les hommes sont reconnus égaux parce qu’ils sont libres, ils ne sont pas libres en vertu d’une nature humaine. L’égalité est politique (au deux sens du terme politique). Tout comme le peuple, elle a à être. Elle n’est pas un fait sociologique ou anthropologique, mais, à mon sens, un repère limite indéterminé, mais repère limite quand même. Le pouvoir politique actuel, dans sa forme illégitime socialement et politiquement (au sens du politique), bénéficie d’une rencontre heureuse entre l’action humaine et un temps propice à une action bonne. disait Aristote; Mais la loi Travail et la répression policière (par exemple un flic giflant un adolescent de quinze ans ) viennent démentir aussitôt l’action « bonne ». Michel Kail et Richard Sobel veulent bannir, dans le présent, le terme démocratique. Mais la démocratie n’est pas seulement le régime politique, elle est aussi une manière de vivre en société. Or il me semble qu’iil faut témoigner, comme le font les deux auteurs, notamment par leurs travaux, que cette manière de vivre en société est toujours là. C’est le régime politique qui est oligarchique – mais il n’y en a en jamais eu d’autre en démocratie – . Ce n’est pas une oxymore de parler de démocratie oligarchique à propos d’un régime politique. Cela s’inscrit dans ce que l’auteur appelle, à mon avis fort justement, une « théodicée démocratique »
. La brève présentation du numéro, par Pierre Bras, tout particulièrement des » querelles transnationales sur l’oppression et le sexe » , rappelle d’abord le livre de Juliet Mitchell publié en 1974, ,Psychanalyse et féminisme, où elle cherche à penser l’oppression des femmes. Bras rappelle également le symposium de Cmbridge en 2009 intitulé Oppression et révolution, où chaque communication était consacrée à un livre de Mitchell (qui prenait sa retraite). C’est Judith Butler qui a prononcé la conférence sur Psychanalyse et féminisme. Dans, ce numéro de L’Homme et La Société, on trouve la réponse de Juliet Mitchell à Butler avec des commentaire de Jacqueline Rose.
Peut-être, pour bien marquer l‘opposition entre les deux auteurs, faut-il partir de la question de l’égalité des sexes qui fut, déjà, avant la Révolution et encore plus après, jusqu’à maintenant, au coeur de la lutte des femmes contre l’oppression millénaire qu’elles ont subies et qu’elles subissent encore. Ma position de sociologue un peu anthropologue est que, même asservie ou en servitude volontaire, certaines femmes, sinon la plupart, étaient, sont plus ou moins conscientes de cette oppression. Les exceptions à son étendue étaient, sont rares. A peine 20% des sociétés humaines étaient matrilinéaires et uxorilocales, comme l’a montré Nicole-Claude Mathieu dans son dernier livre Une maison sans fille est une maison morte qui porte sur ce thème. Aujourd’hui les sociétés humaines restent très largement patrilinéaires et patrilocales (c’est le domicile du mari ou du compagnon qui prime). .
Juliet Mitchell, comme Freud, comme Lacan, reconnait la différence des sexes – au singulier – dans l’inconscient. L’enfant fantasme d’abord la mère et c’est lorsqu’il découvre le père qu’il fait la différence entre les sexes. Le biologique – auquel Mitchell attache encore une certaine importance – intervient, dans la différence des sexes, comme représentation, notamment dans le visible « masculin « par rapport à l’invisible « féminin ». Mais, dans le type de société moderne, ce visible/invisible s’atténue, avec la connaissance que l’anatomie, la biologie et la physiologie apportent sur le corps humain. Qui parlait des ovaires et des ovules avant les progrès de la médecine au XIX°siècle ? Enfin Juliet Mitchell note que c’est par la transmission à l’inconscient à travers les générations – et non par un apprentissage quelconque – que se fait la prise en compte de la différence des sexes. Mitchell pense que la problématique de la lutte des homosexuels pour leur égalité de droits est différente de celle de la lutte pour l’égalité des sexes. La confusion des deux problématiques, celle de l’égalité des sexes – la différence étant au singulier – er celle du genre – à employer également au singulier – nuit à la lutte pour l’ égalité des sexes. .Il ne s’agit pas de mettre les deux problématiques en concurrence, mais plutôt de préserver l’efficacité conceptuelle aussi bien de la différence des sexes au singulier que de celle du genre également au singulier. Parler de genre humain , ou, en grammaire, de genre masculin et de genre féminin ne ruine pas la lutte pour l’égalité des sexes, à condition, dans le deuxième cas, de pratiquer l’écriture inclusive, qui rappelle opportunément que cette lutte est en cours ( en écrivant par exemple auteur-e-s et pas seulement auteurs).
Howard Chiang, nous dit Pierre Bras, met en évidence une sorte de concurrence entre les droit des homosexuels et celui des transgenres. Les transgenres ont obtenu, à Hong Kong, le droit de se marier. Solution choisie par le juge, dans un cas concret, ce luge se référant au fait que le mariage homosexuel n’est pas reconnu à Hong Kong. Mais Pierre Bras insiste sur la dimension géo-politique du débat. .Le juge évoque, pout statuer sur le cas, les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme et la tradition chinoise. Il évoque également les liens entre les droits des homosexuels et les droits des transgenres. Un peu comme le juge luttant pour l’égalité des transgenres, Butler lutte contre la discrimination des homosexuels, Mitchell lutte pour l‘égalité des sexes. Elles ne peuvent être d ’accord. Michel Kail voit dans l’ « innocence du devenir » chez Nietzsche et dans l’«irresponsabilitéé » qu’elle suppoose un point départ pour la réflexion. Il me semble que c’est son commentaire qui est i important, car il refuse toute finalité en ce qui concerne le devenir et toute causalité qui le déterminerait. L’ »innocence » et l’ »irresponsabilité » sont une autre affaire. Kail postule un anti-naturalisme rigoureux et un matérialisme libérateur. C’est aussi ma propre position. Le matérialisme échappe, selon Kail, à l’idée de causalité et conserve l’idée de liberté. La matière doit être conçue comme soumise au hasard. En multipliant les différences, Butler croit échapper au binaire qui en fait demeure, et, avec lui, la hiérarchie. L’accumulation des différences enferme dans l’identité. alors que l’idée de singularité excède la logique de la différenciation. L’abolition des genres et des différences soi-disant tolérées entraine une singularisation qui s’épanouit dans la socialisation. Enjeu géo-politique, dit Pierre Bras. L’enfermement dans l’identité ne permet pas d’opérer l’acte politique que requiert la lutte contre l’oppression. Tout se passe comme si la tolérance y suffisait. Si l’acte géo-politique se fait, un peu comme le veut Butler, dans un esprit de rivalité de pouvoirs, dans celui d’étendre les position identitaires aux dépens des relations de socialisation, cette extension provoque celle d’un angle mort qui occulte l’oppression. A propos de la fragmentation des corps, des droits et de la citoyenneté (thème qui fait l’objet d’un article dans le numéro), Bras évoque ces corps que l’on veut transformer en les artificialisant pour créer en quelque sorte de la « nature ». Le rapport entre cette soi-disant création de la nature et l’oppression se manifeste par le fait que cette esthétique inspirée de la nature s’est imposée. L’oubli de la différence des sexes, la « neutralité sexuelle » se signifient également dans le care (le soin) qui remplace la reproduction. Les riches ayant moins d’enfants font remplir les tâches familiales, qui auparavant incombaient aux femmes de la famille, par des étrangères plus pauvres. Le care devient ainsi un lieu d’indifférenciation qui empêche l’émancipation, notamment parce que le discours qui l’entoure oublie la différence des sexes, empêchant ainsi de voir la réalité à combattre : l’oppression. Par la géopolitique des idées à travers le monde, cette oppression commence à être niée dans son existence. La note critique de Richard Wolin « Heidegger : la question juive », qui ne se rattache pas explicitement au thème du numéro, soulève néanmoins une question de fond en ce qui concerne l’égalité des sexes. Heidegger ne parle jamais des femmes. Sa philosophie est faite pour les hommes, au masculin. Sur la discrimination, on peut noter que Georges Agamben élève de Heidegger, soutient que, si nous ne conservons pas le paradigme de l’anti-sémitisme, nous nous privons d’un mécanisme, ancestral et valable, permettant de critiquer les Juifs et le judaïsme. Si tout propos critique ou négatif sur le judaïsme est condamné comme antisémite, cela équivaut à mettre les Juifs « hors langage ».. Pour Agamben, on peut penser que l’anti-féminisme maintiendrait les femmes « dans le langage ». En développant ses concepts d’être au monde, d’être dans le monde, d’oubli de l’être et en les accrochant, comme le montre Wolton, au concept de peuple tel qu’il le définit, Heidegger dit, par ailleurs, que les Juifs sont « hors peuple » et « hors monde ». Même s’il ne le dit pas explicitement des femmes, on peut se demander si cet homme qui aimait certainement sa femme et ses enfants, et qui fut, toute sa vie, amoureux d’Hannah Arendt qui était juive, ne met pas les femmes comme les Juifs « hors peuple » et « hors monde » (ce qui n’empêche pas les sentiments). Sttéfania Ferrando, dans sa note de lecture sur le livre de Geneviève Fraissse, « A côté du genre. Sexe et philosophie de l’inégalité », note que ce livre contenant la réédition de la Différence des sexes, de la Controverse des sexes et de nombreux articles, relève le défi d’une compréhension philosophique de la question des sexes. Cette réflexion se construit dans un rapport qui altère, en l’ interrogeant, la philosophie de la notion de genre. En se déplaçant, on dévoile de nouvelles possibilités et on peut porter le regard sur ce qui était auparavant caché. Il s’agit, en travaillant les rapports du sujet à l’objet, de penser une « sexuation du monde », d’envisager la question des sexes non comme une question particulière, mais comme un approfondissement de la compréhension de notre monde commun et de son devenir; Les axes majeurs de ce mouvement son, d’une part, une pensée de l’historicité d’une vie collective sexuée, d’autre part la centralité accordée à l’auto-émancipation par rapport à la domination. Je préciserai, pour ma part, qu’il s’agit d’une auto-émancipation approximativement légitime en référence à ce qu‘on peut appeler les repères limite de la condition humaine. La domination et l’excès de domination peuvent être approximativement légitimes, c’est-à-dire ne pas nuire à autrui et lui faire ce que je voudrais, ce que nous voudrions qu‘il nous fasse. Ce qu’on appelle la domination des hommes sur les femmes ou la domination masculine est un excès illégitime de domination, globalement et localement, à peu près partout (à peine 20% des sociétés humaines y ont plus ou moins échappé). Pour Fraisse, la différence des sexes est une catégorie vid , un lieu où s’échange de la pensée. Catégorie vide pour écarter toute définition naturalisée, ou psychologique, ou ontologique. C’est l’égalité et la liberté des femmes qui s’affirment aujourd’hui. La différence des sexes est un point incontournable (souligné dans le texte) de la constitution de la pensée et la structurant. La différence des sexes est un irréductible – ce qui selon moi, ne signifie pas qu’il n’y en a pas d’autres – « Il s’agit de considérer la question de la différence des sexes en référence (souligné dans le texte) à l’histoire, de montrer l‘historicité de la différence des sexes, en reconnaissant que les sexes font l’histoire et que l’histoire est sexuée. Par le concept de rupture, il devient possible de penser la question de l’auto-émancipation et, par cette voie, celle de l’égalité. L’historicité de l’auto-émancipation des femmes s’écarte de la simple histoire de la domination – pour moi elle est l’histoire millénaire de l’excès illégitime de domination des hommes sur les femmes -. Une historicité de la légitimation et de la légitimité sociales et politiques, notions tout aussi incontournables que celle de différence des sexes, peut contribuer à cerner l’inscription historique de l’auto-émancipation des femmes, bien avant 1830, déjà à la Renaissance, avec Christine de Pisan, au XVII° siècle avec un auteur-homme féminis
te, et à la Révolution française avec Olympe de Gouges. Historicité tramée de scansions temporelles et de ruptures jusqu’à aujourd’hui. Le projet d’auto-émancipation des femmes s’inscrit en tout état de cause dans un type de société radicalement nouveau, la société démocratique moderne avec sa démocratie oligarchique comme régime politique. L’égalité et les ruptures qu’elle introduit dans l’expérience politique (au double sens du mot politique) ne peut se concevoir sans la liberté et ses propres ruptures historiques. L’une d’elle est l’accès à la contraception c’est à dire, dans ce qu’on peut encore appeler le libre arbitre, l’emploi d’une méthode contraceptive. C’est le droit également de choisir d’avoir un enfant en le faisant ou en l’adoptant ou de refuser d’en avoir, le droit de décider de sa conception ou de décider de recourir librement et sans entrave à une méthode contraceptive ou, si la grossesse s’annonce, le droit de choisir et de décider librement et sans entrave de recourir à l’ICG. Ce droit de choisir, de décider d’accepter ou de refuser la maternité précède tous les autres. La liberté est une condition de l’égalité. La liberté qui qualifie la constitution d’un sujet, liberté inhérente à la condition humaine, est aussi liberté du désir Elle fait apparaître une loi propre au sujet humain. Je dirai que le désir exprime la loi, mais que la loi exprime également le désir, dans la mesure ou l’énergie humaine, ce que Freud appelait le pulsionnel, trouve sa limite en elle-même dans le politique qu’elle produit par rapport à l’objet – ici l’enfant -, C’est bien d’une loi propre au sujet humain, à tous les sujets humains qu’il s’agit, loi entérinée désormais, depuis 1975, en France, grâce à Simone Veil, par une loi juridique Par elle, les femmes se libèrent elles-mêmes de leur assignation à la nature par la disjonction entre l’acte sexuel et la reproduction et résistent, dans le même temps, à la domination masculine.. L’auto-émancipation inscrit liberté et égalité dans le type de société moderne,, Fraisse note que l’auto-émancipation et l‘historicité de la question des sexes permettent de penser, un incontournables. Selon moi, il n’y pas un, mais des incontournables, comme il n’y a pas un, mais des : le don, le commun et la différence, la légitimation et la légitimité, d’autres incontournable et irréductibles sans doute, qui tiennent à la condition humaine,. L’un de ces incontournables, à la manière du don qui enclenche les autres incontournables, s’implique à chacun d’eux : c’est ce que Fraisse appelle fort justement la sexuation du monde. Le genre peut être envisagé comme une proposition philosophique qui vise à dire la pensée sur la sexuation des rapports et à aller vers une généralisation qui dépasse la particularité du sexe. Mais le risque est double : enfermer le discours dans le dualisme nature/culture (sexe et genre), rester prisonnier d’une problématique de l’identité qui tourne en rond dans le dévoilement de la domination masculine. L’historicité et l’auto-émancipation, comme déplacement à côté, permettent de considérer le rapport entre êtres sexués, car c’est le rapport qui fait histoire.. La notion de contretemps (due à Anthony Giddens) vise, dans l’histoire de l’auto-émancipation, à saisir le propre de la temporalité des luttes pour l’égalité et la liberté des femmes par rapport à l’histoire officielle ou à celle d’autres mouvements d’auto-émancipation, Par la considération des contretemps, on saisit le moment où l’histoire des femmes fait apparaître leurs luttes comme intempestives, trop en avance ou trop en retard par rapport à l’histoire. On fait ainsi émerger les discontinuités et les divergences du projet politique (au deux sens du terme politique) d’auto-émancipation. Est mise en avant l’exigence d’une pensée du positif, de l’affirmatif qui saisisse les logiques eu jeu dans la dynamique féministe et restitue la langue du construire plutôt que du déconstruire. A mon avis, l’un et l’autre sont nécessaires, à condition qu’elles ne franchissent pas la ligne, la zone rouges au delà de laquelle elles risquent, par excès de l’excès ou tout simplement par défaut, d’être illégitimes socialement et politiquement, c’est-à-dire de nuire à autrui. Si est posée, dit Fraisse la question du monde que nous voulons, le consentement peut alors être universalisé. Mais, selon moi, depuis toujours, la question du renoncement, appelé vis à vis du surnaturel sacrifice, s’est posée aux êtres humains, tout comme celles du don, de la transmission ou du permis/défendu. C’est le problème de leur excès illégitime qui se pose, dans la mesure où, par exemple, l’excès en forme de servitude volontaire ou l’excès par contrainte abusive sur l’autre en ce qui concerne le consentement nuisent à autrui. La servitude volontaire n’est pas ce que l’individu homme ou femme désire, c’est-à-dire un consentement voulu à n’importe quoi. Pour qu’il y ait consentement légitime, il faut l’autre, les autres face à soi et réciproquement. L’universalisation du consentement est degré de légitimation et de légitimité sociales et politiques (beaucoup plus que juridiques) qui mesure, par la responsabilité et la justice, celui du renoncement auquel, en référence au politique, à ses repères limite et à ses droits, chacun , chacune, et tous, toutes peuvent consentir.
Dans une note de lecture que j’ai faite sur le livre de Marcel Bol de Bal, L’Eloge du bon phallocrate, j‘ai tenté de montrer qu’en se bornant à la question de l’égalité des sexes sans l’historicité, l’auteur avait effacé l(histoire de la domination millénaire des hommes sur les femmes. En mettant face à face la bonne urocrate et le bon phallocrate, il les enferme, qu’il le veuille ou bon, dans une assignation à la nature. ,
Le débat Butler/Mitchel est évoquée par Mitchell dans une lettre à Pierre Bras, Juliet Mitchell rappelle sa rencontre avec le groupe PsychéPo et avec Antoinette Fouque qui le dirigeait. « Nous avions pris des positions différentes dit-elle, à partir du même matériel psychanalytique et des mêmes préoccupations féministes ». Elle pose ses propres questions : « Comment les femmes – la moitié du monde – vivent-elles, dans leur tête et dans leur coeur une définition de soi qui est fondamentalement une définition de l’oppression ? Il s’agit de se demander, non pas simplement : que fait l’oppression aux femmes ? mais : que font les femmes au concept même dans leurs/ nos joies et dans nos peines ? ».
Dans un texte intitulé : « Débattre de la différence des sexes, de la politique et de l’inconscient », Mitchell dit que « la différence des sexes prend forme à travers les prohibitions du désir et du meurtre, auquel tout sujet humain est confronté ». A mon avis, il s’agit , plus que du désir, de la pulsion de vie qui résiste à celle de mort. Elle est prohibée certes par l’individu et le groupe conscients, mais aussi inconsciemment par la limite que la pulsion de mort donne à la pulsion de vie. Cette limite se signifie dans le désir qui est impensable, non seulement sans la loi (au sens général du terme), mais surtout sans le politique. Quant au meurtre, il est la pulsion de mort lorsqu’elle agit sans limite sur des individus et des groupes, c’est-à-dire sans que la la pulsion de vie lui résiste suffisamment.
Gaëlle Rubin, auteure de « L’économie politique du sexe. : transaction sur les femmes et système de sexe/genre », dit que ses intérêts divergent de ceux de Mitchell, en ce sens qu’elle s’intéresse à l’oppression résultant de la domination hétérosexuelle. L’intérêt de Mitchell est plus centré sur la domination masculine. La problématique de la domination hétérosexuelle et celle de la domination masculine sont trop souvent confondues. Par ailleurs, Mitchell fait référence à un texte de Freud de 1933, où il dit que la féminité se définit à partir de la ligne qui délimite là où une femme ne peut pas être un homme et vice-versa. C’est le caractère de distinction entre les hommes et les femmes qui est commun (et non pas, à mon avis, universel) dans les sociétés humaines. Cette distinction n’a, comme l’a montré également Genevieve Fraisse, aucun contenu spécifique ou donné Si la sexuation est, selon moi, donnée, c’est à dire le processus par lequel les sexes sont humainement construits, la différence, la distinction des sexes ne l’est pas. La différence des sexes trouve son contenu de diverses manières, toutes liées aux interdits, aux prohibitions propres à la pulsion de vie et à la libido d’une part, à la pulsion de mort d’autre part.. L’une et l’autre ayant un socle commun et agissant l’une sur (‘autre. Selon Mitchell, si l’on développe son propos, les prohibitions, les interdits portent sur la pulsion de vie et la possibilité du désir, et sur la pulsion de mort comme imite à la pulsion de vie, celle-ci pouvant elle-même conduire au meurtre. Mitchell prend en compte le commun de la différence des sexes, mais également la variabilité du genre. Si l’on veut réfléchir au genre,, on peut parler de différences (au pluriel) des sexes. La différence des sexes et sa flexibilité – les différences de sexe – se retrouvent dans la prohibition de l’inceste et dans celle de la violence abusive du meurtre (la violence pouvant être aussi légitime). Prohibitions et interdits organisent la parenté. L’échange des femmes, Mitchell le pense plutôt comme une échange de droits sur les femmes. Mais ce qui l’intéresse, c’est ce qu’elle appelle la « loi » (les guillemet sont d’elle) au centre des relations de parenté, l’interdit pesant sur les relations sexuelles rangées sous la qualification d’ « inceste » et les formes d’atteinte à la vie que comprend la qualification « meurtre ». .Cette « loi » – que j’appelle le politique et ses repères limite – a ses effet sur la distinction toujours incertaine de la différence des sexes ; celle-ci est la frontière de part et d’autre de laquelle femmes et hommes, suivant leur apparence sexuelle reproductive, sont censé(e)s se tenir et ne se tiennent jamais complètement. L’objet du désir, dit plus loin Mitchell, est aussi étendu que le fantasme. Mitchell, avec une perspicacité apparemment simpliste, mais que je trouve singulièrement opérante, note que l’identification aux parents humains peut être prééminente dans la manière dont la personne est conduite dans le choix d’objet. Mais dit Mitchell, avec intelligence, le choix d’objet contient tous les objets non choisis. L’un des aspects de la transmission est, dans ce cas, la remontée aux parents et aux grands-parents .Je me borne à rappeler les thèses de Mitchell, et sa conclusion : que je fais mienne y compris pour d’autres faits auto-émancipatoires : « Le féminisme doit s’approprier la théorie et la pratique politique. Nous devons nous saisir du rocher qui bloque la rivière et le faire disparaître – je dirai plus prudemment : le diminuer au maximum -, combattre le contre-courant et aller de l’avant » Jacqueline Rose, lisant et écoutant Mitchell, dit qu’il s’agit de rapprocher l’activisme féministe et le langage de l’inconscient. L’intention de Mittchell, dit Rose, était d’analyser comment les hommes et les femmes vivent matériellement, en tant qu’hommes et femmes, leurs conditions d’existence ; elle voulait regarder comment la différence des sexes pénétrait la psyché et se logeait dans les recoins les plus profonds de l’esprit. .Rose dit que le mieux lui paraît être de penser dans des terme similaires à la fois la persistance et l’effacement de la différence des sexes. L’attention portée sur le caractère instable de la sexualité et du désir à a entrainé le risque de faire perdre à la loi de la différence des sexes sa position prééminente et de ruiner les transformations qui dépendent de la reconnaissance de la force de cette loi. Les vies sexuelles et leurs fantasmes sont prises en soi et pour soi pour s’être dispensées de la question de la loi. L’instabilité de l’inconscient est devenue une possibilité d’atteindre la liberté. mise au service d’un monde meilleur. La loi serait la réponse la plus imparfaite à nos pulsion les plu dangereuses. Si la transmission de la loi est invariablement contrariée, alors il n’y a pas de loi. Nous avons pénétré dans un monde adulte non genré. Des psychanalystes peuvent refuser ou accepter la maternité de substitution, non par acceptation ou hostilité de la maternité, mais parce que l‘un pense que la sexualité ne doit pas relever du domaine de la loi, l’autre pense que cette référence à la loi est nécessaire. Dans une introduction nouvelle à Psychanalyse et féminisme, Mitchell met l’accent, avec une force renouvelée, sur l’invariabilité de la loi. Rose pense aussi qu’on ne peut se passer de la loi. Pour Mitchell, la loi est tout près du sujet. Il y a disparité entre réalité et norme. Mitchell insiste sur le fait que la mère est psychiquement toute puissante pour le jeune enfant, qu’il n’y a a pas correspondance parfaite entre la culture et la façon dont nous vivons les uns et les autres et nous-même. Enfin , selon Lacan, il y a une perversion possible inhérente à la loi et un caractère frauduleux de ceux qui prétendent, illégitimement, l’incarner. (loi et surmoi).. Reconnaître la force de l’héritage et le rejet ou la reprise de ses pires excès, c’est reconnaître l’un des modèles les plus puissants et les plus pertinents pour réfléchir à la manière d’éviter les pires composantes des identités ethniques, et communautaires tout en reconnaissant leur force qui demeure.
Toute la question, pour moi, est celle de la définition de la loi et de son origine. Qu’entendre par loi ? Dans la modernité, la loi au sens général du terme, c’est le politique. C’est la référence, pour moi, à des repères limite que tout le monde connait depuis toujours, sinon on n’aurait pas pu vivre n commun, mais qui précisément, avec la modernité, commence à s’expliciter. . La sexuation du monde, comme dit Fraisse, ou la loi de la différence des sexes qui est une loi si l’on veut, est, dans le conscient des êtres humains, sous l’ effet de la légitimation et de la légitimité juridiques, mais surtout de la légitimation et de la légitimité sociales et politiques que ceux-ci (les êtres humains) leur ( à la sexuation liée à la différence des sexes) donnent. Pour moi, l’avenir du féminisme comme celui d’autres tentatives d’auto-émancipation est à ce prix. C’est le combat contre les délégitimations, les illégitimations et les illégitimités sociales et politiques, combat de chaque jour, qui importe aujourd’hui, puisque le surplomb du surnaturel ne garantit plus aux êtres humains de la société moderne actuelle, sauf aux croyants en un sacré ou en l’une des religions monothéistes ou athée, un Salut quelconque.
L’article de Michel Kail s’intitule « Juliet Mitchell répond à Judith Butler. Nietzschéisme, anti-naturalisme, matérialisme ». Pour lui, ce qui donne sens à l’un et l’autre des partis pris, celui de Judith Butler et celui de Juliet Mitchell, c’est la réciprocité qu’il reconnait entre l’anti-naturalisme rigoureux et le matérialisme libérateur. La question de Kail est la suivante : comment mesurer les conséquences que la reconnaissance de cette réciprocité entraine sur la question de la différence des sexes et sur le traitement à réserver à la problématique du genre ? Pour ce faire, après avoir constaté que s’étaient défaits les liens qui rassemblaient la trilogie Marx-Nietzsche-Freud, il s’adresse principalement à Nietzsche qui dit : « Je me suis toujours efforcé de démontrer l’innocence du devenir ; sans doute ai-je voulu par là conquérir le sentiment d’une pleine « irresponsabilité ». Ma…solution a été de nier toute espèce de fin et de comprendre que nous ne pouvions connaître aucune causalité ».Le principe ontologique, lorsqu’on l’avance, est l’être de part en part métaphorique du devenir. L’usage de la métaphore met en oeuvre la dualité du sens propre et du sens figuré. Or, dit Nietzsche, il n’y a pas d’Etre qu’on puisse rendre responsable du fait que quelqu‘un existe. On pourrait répondre aujourd’hui à Nietzsche, qu’avec les progrès de la médecine, un être humain qui fait un enfant, en sachant les risques que coure cet enfant à exister, n’est ni innocent ni irresponsable. Mais c’est principalement sur les soi-disant causes et finalités du devenir que Nietzsche insiste. .L’essentialisation (ou la naturalisation) c’est le mode de dénommer les dominé(e)s par les dominants, dit Kail, et il rappelle que c’est à tort que le déterminisme biologique fait figure de représentant du matérialisme. Après avoir mis en discussion les positions de Butler et de Mitchell – dont, à mon avis, il abandonne un peu vite la référence qu’elle fait constamment à la psychanalyse, non tant celle de Freud que celle de ceux et de celles qui, lui succédant, n’ont pas hésité à le critiquer -, il rappelle fort justement l’anti-essentialisme, le matérialisme et l’anti-naturalisme de Monique Wittig et de Christine Delphy.. Il aurait pu ajouter ceux de Véronique de Rudder. Ceux de Colette Guillaumin ne font pas abstraction d’une référence à l’inconscient. Quant à ceux de Nicole-Claude Mathieu, ils ne se séparent pas d’une analyse anthropologique constamment poursuivie, montrant, des le début( 1970), dans un article intitulé fort justement « Femme-nature, homme-culture », les dangers d’une idéologisation rigide et fausse de la dualité nature-culture. Les individus, dit Kail, (sont) confits dans leur « nature » de propriétaire et leur devise est .« Notre liberté s’arrête là où finit notre champ et commence celui de l’autre ». C’était déjà la devise de Stirner qui n’y incluait pas plus que ne le fait l’individu propriétaire la liberté de l’autre. A cette devise Kail oppose celle de Bakounine : « La liberté de l’autre étend la mienne à l’infini ». Etre en soi, être pour soi, être pour autrui sont, dit Kail, strictement contemporains et de même valeur. Tous les trois sont à égalité constitutifs de la subjectivité; La singularité ainsi conçue et pratiquée est une réalité et une exigence. Une réalité parce que les trois modes d’être sont les éléments même de la subjectivité – encore faut-il analyser cette subjectivation et cette subjectivité non seulement philosophiquementt comme le fait Kail, mais anthropologiquement et sociologiquement, ce qui inclut son historicité -. Mais la singularité est aussi exigence parce que certaines configurations sociales délégitimantes, illégitimantes et illégitimes par rapport notamment à l’interdit de l’inceste et à celui du meurtre, suscitent la dislocation du subjectif. La désarticulation entre les trois modes d’être est provoquée et sollicitée par une logique qui est celle, selon moi, non pas seulement de la domination (car la domination peut être légitime), mais par la logique qui est celle de l’excès illégitime particularisé et globalisé de domination. Les droits peuvent y être et y sont souvent déformés, idéologisés négativement, biologisés, comme le montre Bernard Hours. Nietzsche dit : « Droits : : le plus puissant définit ceux des subalternes entre eux. Devoirs : le plus puissant définit ceux des subalternes envers lui ». On ne parle surtout pas d’obligations, parce que s’obliger soi-même suppose toujours l’autre. et que l’autre s’oblige toujours par rapport à un autre.que lui. Le dominant reprend à son compte le narcissisme auto-centré du propriétaire. Mais il a le pouvoir (j’ajouterai tout-puissant actuellement) d’y « intéresser » (j’ajouterai : de gré ou de force) les dominé(e)s. Les refus, les résistances, les guérillas, les ruses sont des formes de luttes à développer à la fois contre les formes particularisées de l’excès illégitime de domination (domination des hommes sur les femmes, discriminations, racismes, allophobies, ec.), et contre les formes globales que lui donnent le capitalisme libéral économique, les premières renforçant les secondes.
Les excellents articles sur des terrains divers ou proposant, comme celui sur le Subutex de Virginie Despentes, une interprétation littéraire, sociologique et anthropologique, sont à lire tels quels. Faute de place, je ne peux les commenter. Fort arbitrairement, je retiens l’un d’eux, celui que Alizée Delpierre a intitulé « Disparaître pour servir : les nounous ont-elles un corps ? «. Si je le retiens préférentiellement, c’est parce que, à mon avis, l’article tente d’aller jusqu‘au bout de ce qui peut être dit sur un tel sujet.. Les enfants devenus adultes qui ont été aimés de ces nounous-gardiennest pourront-ils, un jour, savoir, comprendre – et en tirer les conséquences pour eux-même et pour celles qui les entourent – que ces nounous qui les aimaient, dans le même temps, comme le raconte le roman de Leila Slimane, auraient pu les tuer ? Brièvement je mets en perspective les points principaux de l’argumentation de Alizée Delpierre. Son hypothèse est dans le titre de son article : pour servir surtout comme servante, il faut, tout particulièrement, faire disparaître son corps. C’est ce qu’avaient bien compris, deux auteurs Edmond et Jules de Goncourt (que Delpierre cite), d’une manière très positive pour eux, en utilisant l’un et l’autre leur servante comme objet sexuel, mais aussi d’une manière négative et subtilement condamnante dans leur roman Germaine Lacerteux.. L’auteure, pour rendre à la fois démonstrative et sensible son argumentation, s’appuie sur le roman de Leila Slimane, récent celui-là, et d’une toute autre teneur, D’abord quels sont aujourd’hui les critères de recrutement de la nounou ? Ce métier concerne des personnes qui, parce que les deux parents travaillent professionnellement, et sont suffisamment rémunérés, se substituent près de jeunes enfants, garçons et filles, à celle qui, pour les soins et la surveillance, accomplissait traditionnellement la fonction de gardiennage à la maison, c’est-à-à dire, le plus souvent à la mère. Le premier critère est d’avoir des papiers en règle, pour pouvoir faire appel, en cas d’urgence, à des services d’aide en dévoilant son identité. La nounou ne doit pas fumer, ni être trop vieille, ni être voilée ; elle doit être disponible. « La candidate blonde en retard, l‘Ivoirienne sans papiers et la femme obèse aux cheveux sales sont rayées de la liste » »La nounou trouve sa perfection dans son apparence discrète, polie et résolument docile ; elle doit incorporer l’habitus bourgeois de celle qu’elle sert et (être) avant tout une servante assujettie à ses maîtres par sa position sociale. Une fois au service de la famille, la nounou, censée s’occuper des enfants, cuisine, lave les pièces de l’appartement, le linge de la famille, fait les rangements. Elle devient employée de maison. L’activité de la nounou, même déclarée, n’a pas de contours juridiques précis. L’argent est de l’ordre de la vie privée, il est ce que les employeurs ne veulent pas savoir de la vie hors travail de la nounou. Elle sait tout de ses employeurs, mais eux ne savent rien d’elle. Cette règle que doivent respecter les employés domestiques est indispensable au travail à domicile. .Au square, entre nounous, on parle peu de soi. Néanmoins les parents et la nounou sont pris dans des relations fortes qui les rendent dépendants les uns des autres, à la fois professionnellement et émotionnellement. C’est précisément ce subjectif qu’il s’agirait d’analyser, aussi bien en sociologie qu’en anthropologie, par des analyses de discours sur des entretiens avec les parents et avec les nounous. Entretiens aussi peu directifs que possible. Et c’est, à mon avis, à ce niveau que littérature et sciences humaines sont face à face, attendant l’une de l’autre mutuellement ce qui leur manque., la littérature le subjectif dans son implication à l’objectif, les sciences humaines l’objectif dans son implication au subjectif. Quand l’auteur dit que la nounou n’a pas de corps pour ses employeurs, alors qu’elle a un rapport maternel et charnel à lieurs enfants qu’elle garde, suscitant parfois la jalousie de la mère, elle note elle-même qu’il s’agit d’une dimension centrale du travail domestique, dans lequel le corps des employés, bien que nécessaire à l’ouvrage, doit s’effacer. Le sur-dominant invisibilise, pour son propre usage, le corps de l’asservie, l’enferme dans un dispositif destructeur notamment de la liberté et de l’égalité. L’analyse de cet asservissement, qu’elle relève des sciences humaines ou/et de la littérature – comme l’auteure nous le montre dans le beau roman de Leila Slimane – peut contribuer, non seulement au combat contre l’oppression des femmes par les hommes, mais à celui contre toute oppression.