Georges Jourdam. Au croisement du travail et du politique : l’emploi salarié. Le cas français : mutations et transformations, L’Harmattan, 2020


Recension par Louis Moreau de Bellaing

Georges Jourdam. Au croisement du travail et du politique : l’emploi salarié. Le cas français : mutations et transformations, L’Harmattan, 2020

Ce que l’auteur veut faire, c’est mettre à la disposition du lecteur et de la lectrice les différentes facettes de l’encadrement du travail salarié, de son évolution en France depuis la Révolution. Sont insérées dans l’évolution chronologique de l’emploi salarié des phases contemporaines. La phase est chaque fois le précipité d’un rapport de force constant entre des intérêts divergents. La première est caractérisée par un temps présent initial. La deuxième se caractérise par un temp présent intermédiaire, le plus long. Enfin la troisième s’achève dans le temps où se clôt l’ouvrage.

Des évolutions législatives ont limité les prérogatives des employeurs et donné un peu plus de liberté aux travailleurs.

Le contrat de travail était un contrat de louage. Un ouvrier principal recrutait, en négociant un prix avec un marchand et payait les ouvriers embauchés. C’est ce qui s’est passé avec les Canuts en 1830, ouvriers de la soie qui travaillaient à domicile.

C’est par le problème de la responsabilité des accidents du travail, responsabilité sans faute et réparation forfaitaire, que s’ouvre la perspective vers le contrat de travail salarié. Il est élaboré et reconnu par les pouvoirs publics, comme un contrat de subordination de l’employé avec l’employeur. Mais est reconnu la parité entre employeur et employé devant le Conseil des Prud’hommes, lorsqu’il y a un contentieux entre le salarié et l’employeur sur le licenciement et les indemnités à verser à l’employé. En 1910, est créé le code du Travail.

A la veille de la première guerre mondiale, la protection sociale entendue dans son sens le plus extensif de réduction et de socialisation des incertitudes de la vie ou comme protestation contre les risques socialement identifiés et individuellement perçus (invalidité, accident, chômage, maladies, vieillesse) impliquait des logiques des organismes et des dispositifs très différents.

Grâce à la stabilité monétaire d’avant-guerre et à l’inexistence de l’inflation depuis 1814, pour la bourgeoisie (rentiers, entrepreneurs, professions libérales, fonctionnaires de rang élevé), la protection sociale était indolore. A l’autre bout de l’échiquier, pour les « petites gens », l’épargne était, sauf exception, hors de portée. Cette impécuniosité était souvent reprochée aux personnes de revenus modestes par la bourgeoisie dominante. A u congrès de Tours, la SFIO va se scinder en deux groupes dont l’un va rejoindre le Komintern sous le nom d’Internationale communiste qui devient le parti communiste. Après la première guerre mondiale, les forces de Gauche montent en puissance et vont avoir un impact sur les conditions de travail. Dans les manifestations, il n’y a pas seulement les ouvriers et les syndicats, mais aussi le PC qui va devenir une nouvelle force d’action. La crise de 1929 à laquelle s’ajoute la tentative de prise pouvoir par la Droite le 6 Février 1934 va finalement pousser à un accord entre communistes et socialistes qui sera signé en 1935.

Le 3 mai 1936, est proclamée l’alliance des Gauches et en Juin 1936, la victoire du Front Populaire. Léon Blum devient président du Conseil (la semaine de quarante heures et deux semaines de congé payé pour les ouvriers. Rappelons que l’Organisation Internationale du Travail et le Bureau International du Travail (OIT et BIT) ont vue le jour au sortir du premier conflit mondial.

Une définition polymorphe du contrat de travail est donné : il comporte une prestation de travail réalisée pour autrui, une rémunération en espèces ou en nature, un lien, dans l’exécution du travail, de subordination à l’employeur. Ce dernier a le pouvoir de donner des ordres, des directives et a toute latitude pour contrôler l’exécution du travail. La situation de travail implique, pour l’employé, des protections, pour l’employeur des obligations. Dans cette définition du contrat de travail, c’est l’aspect protection du contrat de travail, et protection sociale de l’ouvrier qui apparaissent. Celui-ci, jusque là, n’avait connu que le marchandage, c’’est-à- dire l’accord avec un ouvrier principal ou avec un marchand. La protection sociale attenante au contrat de travail est le fruit de luttes. Ces luttes se jouent dans des rapports de forces en faveur des salariés. Le statut de salarié accueille ses lettres de noblesse et gagne en légitimité aux yeux de la majorité des citoyens. En 1938, Blum demande les pleins pouvoirs pour mettre en place une politique Keynésienne, celle où l’Etat arbitre entre des intérêts divergents et prend les décisions importantes en matière économique. Blum échoue.
De1940 à 1944, La Révolution nationale qui a pour devise Travail, Famille, Patrie, s’appuie sur des forces traditionalistes, paternalistes et autoritaires. Exemple : est supprimé le droit de grève. Le gouvernement de Vichy revient sur toute l’organisation du travail progressivement mise en place depuis la Révolution française. Enfin, est mis en place le Service du Travail Obligatoire qui est la réquisition, contre leur gré, d’ouvriers français transférés en Allemagne pour soutenir l’effort de guerre allemand. Certains ont été jusqu’à soutenir le slogan : Plutôt Hitler que le Front populaire.

Les tentatives de délégitimation du contrat de travail, aujourd’hui, se manifestent déjà dans la loi de 2015. Elle remet en cause le droit au repos du dimanche, elle facilite le travail de nuit, propose de plafonner les indemnités de licenciement et les dommages et intérêt devant le juridictions prud’homales.

La politique actuelle vise à subventionner les entreprises avec de l’argent public et de déréguler le marché du travail. L’objet du droit du travail devient de plus en plus un moyen de protéger l’entreprise des salariés et des syndicats et non de protéger les salariés.

Les pouvoirs politiques tentent de remettre en cause les avantages acquis des salariés obtenus au cours de conflits sociaux ou d’alternances politisés situés à gauche.

Les multinationales sont omniprésentes. Leur puissance financière, liée à leur capacité de lobbying sur les instances politiques, leur permettent d’imposer leur vision et de faire de l’argent sur le dos de la communauté du monde du travail.