Gilles Boêtsch, Dominique Chevé et Hélène Claudot-Hawad, Décors des corps, Parus, CNRS Editions, 2010


Recension par Louis Moreau de Bellaing

Sous la direction de Gilles Boêtsch, Dominique Chevé et Hélène Claudot-Hawad, Décors des corps, Parus, CNRS Editions, 2010

A lire Décors des corps, il apparaît que la couleur est un phénomène social total au sens de Mauss. Elle intervient, d’un point de vue interprétatif, aussi bien dans les sciences exactes que dans les sciences humaines et sociales et  on la retrouve toujours dans tous les domaines de la vie sociale et politique (aux deux sens du terme politique).  à tel point parler de noir et de blanc, pour désigner l’absence de couleur, indique encore des couleurs.
Le livre qui leur est consacré est le résultat d’un colloque auquel participaient reente-sept intervenants. C’est dire la variété des communications qui recouvrent par exemple l’emploi des cpouleurs dans l’oeuvre de Marcel Proust (A la recherche du temps perdu) , les pratiques de tatouage, l’usage de la pourpre, les peintures du corps dans différentes cultures, l’éclaircissement de la peau, le camouflage, le bronzage, etc.
Après une introduction sur la construction chromatique de l’apparence, l’ouvrage s’ouvre en une sorte de prologue squi précise d’abord en deux chapitres les constituants physiques de la couleur et de la lumière et les rapports entre couleurs chimiques et lumière. Chapitres techniques, un peu difficile à lire pour un non initié. Mais le troisième temps, en ce prologue, nous introduit à un propos de sciences humaines et sociales et plus précisément d’anthropologie, en analysant la perception de la couleur en Occident, les rapports de l’histoire et de l’anrthropologie dans la séméiologie des couleurs, les couleurs comme articulationn entre nature et culture, l’appropriation des bienfaits des couleurs, les couleurs dans l’art de paraîitre, les couleurs et les rites de passage, enfin comment les couleurs interviennent  dans le processus allant du satut social à l’appartenance à un groupe.
La première partie s’intitule Couleurs, matières et symboles, la seconde analyse les transformations et les esthétiques dans les couleurs, la troisième les pratiques et les identités selon les couleurs, la quatrième lex rapports entre couelurs, corps et cosmos.
Nous avons donné plus haut quelques exemples de communications au colloque. En fait, chaque partie de l’ouvrage recouvre iune sorte de bariolage dont le seul thème commun est la couleur. Chaque intervention est à elle seule une petite monographie et il seraqit quelque peu injuste d’en privilégier l’une ou l’autre. Insistons plutôt sur les conclusions de l’ouvrage.
Elles mettent d’abord en valeur l’interdisciplinarité qui se construit à partir de savoirs très maîtrisés, de normes de pensée, «de normes à partir desquelles un voyage vers d’autres terres réelles ou imaginaires devient possible». Elles rappellent ensuite qu’il s’agit d’»un processus d’humanité à travers le monde et  à travers les cultures, les pratiques et les savoirs». L’homme et la femme y affirment leur humanité. Pour l’Occient, ce processus va de l’Antiquité à la modernité, mais passe aussi par «les v^tements, les tatouages et les peintures corporelles africaines, amérindiennes et australiennes». Contre le technicisme et le cognitivisme réducteurs, c’est le sens qui est recherché, celui de toute une humanité vivante et toujours créatrice se construisant dans l’histoire, renouvelant toujours sa possibilité d’être et finalement construisant sa liberté.
Enfin «le corps peint s’inscrit dans une hiérarchie d’esprits et de choses». Paradoxalement, les pratiques corporelles sont à la fois processus d’individuation et d’intégration ; le corps est une expérience du sujet, mais il est aussi «corps social en tant qu’il est construit par l’ordre social. Il est corps historique, agent de l’histoire et il faut en faire l’archéologie. Celle-ci doit confronter «les sociétés, les époques, les croyances».
C’est ce que ce beau livre tente de réaliser. Il faut le lire en détail, pour en découvrir toutes les richesses.