Marcel Bol De Bal-Leclercq, Eloge du bon phallocrate, Mon idéal d’homme féministe, Paris, L’Harmattan, 2015


Recension par Louis Moreau de Bellaing

Marcel Bol De Bal-Leclercq, Eloge du bon phallocrate, Mon idéal d’homme féministe, Paris, L’Harmattan, 2015

Le titre peut paraître provocant. Ce n’est pas l’intention de l’auteur qui ne donne au terme phallocrate aucune teneur péjorative, l’associant plutôt à sa signification dans un contexte démocratique. L’une des idées  importantes défendue par Marcel Bol De Bal est d’ailleurs celle d’égalité des sexes. Il définit le phallus comme le pénis en érection  et, par ailleurs, considère les organes sexuels féminins, l’utérus, comme équivalents au pénis en érection. A cette différence près, ajoutons-nous volontiers, que l’appareil sexuel masculin est visible alors que celui féminin est invisible ; il est demeuré inconnu jusqu’à la Renaissance et n’est devenu connu que lorsqu’ont eu lieu les premières dissections.

Le livre de Marcel Bol De Bal se veut avant tout un témoignage sur lui-même et la manière dont il perçoit sociologiquement son couple conjugal. Pour autant, l’auteur, étant psycho-sociologue, s’efforce d’analyser, à partir des concepts de cette discipline, par exemple celui de reliance, de déliance, et de liance, les rapports entre hommes et femmes. il se garde bien de négliger la sexualité. Il fait valoir la différence des sexes à la fois dans son aspect organique et dans ce qu’il pense être lié à cet aspect organique, la différence des sexes du point de vue social, dans les rapports sociaux. Bol De Bal insiste sur le fait, apparaissant dans la différence organique, que la mère porte l’enfant pendant neuf mois, En cela, il rejoint Kant qui, dans l’un de ses textes, défend l’idée d’une égalité organique des sexes conjointe à leur égalité sociale.

Synthétisant son propos dans un sommaire et une introduction, intitulée Genèse, l’auteur présente sa thèse : machiste ? : non ; phallocrate ? : oui. Il la fonde sur des thèses contradictoires de quelques un(e)s de ses ami(e)s auxquel(le)s il l’a soumise. Certain(e)s sont pour, la plupart  contre. Mais, faisant retour au passé,dans un chapitre trois (Anamnèse), Marcel Bol De Bal  oppose aux ouvrages des féministes classiques (Badinter, Sullerot) le système phallocratique patriarcal et il prend acte des mutations du pouvoir patriarcal. Le dernier chapitre tente de dépasser les oppositions manifestées par les ami(e)s et intègre les soutiens de celles et de ceux qui admettent la thèse proposée. La conclusion en trois temps confirme la véridicité, selon l’auteur, de sa thèse, propose deux termes pour caractériser la complémentarité nécessaire :du terme phallocrate : hystérocrate ou utérocrate. Les citations finales se veulent articulées au rapport à l’oeuvre.

Il y a donc une argumentation dans cet essai qui se veut aussi  plus ou moins ludique et non dépourvu d’humour.

C’est peut-être à partir de là qu’une critique globale peut être adressées à l’auteur. Il semble oublier que des êtres humains subissent historiquement ce qu’on peut appeler un excès de domination illégitime dont, jusqu’à maintenant, il est difficile de donner une explication. Celle de Françoise Héritier sur le désir du père d’inscrire l’enfant dans son lignage est importante, contrairement à la remarque un peu rapide d’un des protagonistes de l’auteur. D’autant qu’elle vient compléter l’une des caractérisations du sexe féminin : l’invisibilité. L’enfant demeure invisible pendant neuf mois dans le corps de sa mère (aujourd’hui, l’écographie a diminué cette invisibilité) et apparait visible au monde à sa naissance. Les organes sexuels sont soit visibles, soit invisibles, mais, aujourd’hui, ils sont l’un et l’autre connus.

Nous n’entrerons pas dans le détail des explications de l’auteur, ce serait trop long. Notre objection est spécifique à sa thèse qui prend sens dans un contexte situé, répétons-le, en psycho-sociologie. Cette thèse, selon nous, néglige beaucoup trop l’analyse du subjectif, du subjectif humain, que l’on soit homme ou femme. Plus précisément, il le réduit, selon nous, à un subjectif psychosocio-individuel, sans aborder suffisamment son aspect historique et collectif. L’auteur s’en tient aux fonctions organiques, la génération, la fécondation de part et d’autre, pour en déduire des pouvoirs sociaux égalitaires. Les fonctions organiques apparaissent comme causalité du social et des pouvoirs sociaux. Pour nous, l’égalité sociale des sexes, dans la mesure où elle est recherchée, est conquise peu à peu, mais jamais absolument comme toute autre forme d’égalité, par des êtres humains eux-mêmes investissant leurs organes et leurs fonctions organiques. Mais l’égalité ne peut être postulée dans les organes et leur fonction.  Cela dit, peut-on reprocher à l’auteur cette absence d’analyse du subjectif humain, en l’occurence dans l‘un des phénomènes les plus plus énigmatiques de la condition humaine, en un temps où  des sociologues, des anthropologues et certains psychologues se soucient fort peu et beaucoup moins que lui, en tous domaines,  du subjectif historique et collectif et de ses liens avec le subjectif individuel ?

Restent donc la ténacité de l’auteur, sa volonté de témoigner sur lui-même, par lui-même et pour lui-même parce que, pour lui, il y a l’autre  et notamment sa femme et  ses enfants.. C’est bien à la caractérisation de la sexualité qu’il nous affronte.