Tassadit Yacine Titouh, Souviens-toi ramier…Contes d’amour kabyle, Paris, Éditions Non lieu, 2016


Recension par Louis Moreau de Bellaing

Tassadit Yacine Titouh, Souviens-toi ramier…Contes d’amour kabyle, Paris, Editions Non lieu, 2016

Confrontée à sa propre société, l’auteure en dit les contradictions et, simultanément, les chemins de traverse. Les personnages qu’elle présente dans sa préface, issus de l’imaginaire des conteurs, mais surtout des femmes conteuses, en Kabylie, montrent certes, comme Tierset et Louandja, l’éviction du féminin et l’accession au pouvoir dominant du masculin. Que ce soit dans Psyché, le conte d’Apulée le Berbère qui transpose dans la mythologie latino-grecque un conte né dans son peuple, ou qu’il s’agisse des contes recueillis par l’auteur, ce qui, me semble-t-il, les irrigue, on pourrait dire parfois malgré l’opposition des protagonistes ou plutôt la victoire de l’un sur l’autre (la femme), c’est l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre, même s’il ne peut être conçu que dans l’infériorité de l’une par rapport à l’autre. L’auteure confirme, à la fin de sa préface, la transformation de la poésie kabyle qui, antérieurement semble-t-il, pouvait inspirer des contes ou s’inspirer d’eux et qui est devenue, si l’on ose dire, par l’effet des temps et des malheurs actuels, une poésie réaliste qui ne peut éviter de pointer une certaine désespérance. L’auteure dit, à propos des contes : « La femme n’est pas seulement objet de désir ; elle est reflet de l’amour que le héros porte en lui, amour miroir choisi par l’homme pour s’y mirer». Néanmoins il aime et la femme-miroir aime. C’est aussi cette alchimie qu’à mon avis les contes disent. malgré la domination excessive du masculin qui masque l’importance du féminin créateur et producteur. au moins autant sinon plus que le masculin.

Je livre leur contenu strictement commenté, ne voulant pas anticiper le plaisir du lecteur et de la lectrice à les lire. Je me contenterai de rappeler, à chaque, conte, sa trame et de reprendre, en les spécifiant par les personnages, les contradictions entre ce qu’on pourrait appeler la domination des hommes et l’action des femmes.

Dans « Rayon de soleil », un prince quelque peu ensorcelé parvient à découvrir la jeune fille dont, sans l’avoir vue, il est tombé amoureux. Il s’enfuit avec elle. Mais, ayant été oubliée, la jeune fille aimée parvient à reconquérir son prince. La domination masculine s’y marque explicitement : le prince empêche les femmes de rester près d’une fontaine, il chasse l’une d’entre elles, une vieille femme et ensuite la torture pour découvrir celle qu‘il cherche. Un personnage masculin lui donne les moyens d’agir. Mais c’est la vieille femme, qui, devinant celle qui lui manque, le rond amoureux. C’est elle qui lui indique la personne à consulter pour conquérir la jeune fille aimée. La mère de la jeun fille est une femme-ogre, entourée de sept hommes-ogres ; elle les poursuit, lorsqu’ils s’enfuient. Enfin, lorsqu’il  oublie la jeune fille aimée, c’est par l’effet d’un sortilège que lui impose une femme, sa mère. Et c’est la jeune fille aimée qui reprend l’offensive, en demeurant esclave dans le jardin du palais, et, avec l’aide d’animaux, les pigeons ramiers qui se souviennent et auxquels le titre du livre fait allusion, conjure le maléfice.. A aucun moment, les femmes du conte ne sont réellement dominantes, mais, dans les interstices de la domination masculine, elles font entrer leur action positive ou négative.

Le second conte « Loundja » est aussi un conte d’amour, mais l’action des femmes, toujours présente, ne s’y manifeste pas de la même manière. C’est à partir d’un animal femelle tué par lui, du regard et de la couleur du sang de cet animal que l’amour du prince est possible. Mais cela se passe entre hommes, puisque la révélation de l’existence d’une jeune fille aussi belle que l’animal-femelle qu‘il a tué est faite au prince par l’ami qui l’accompagne. La jeune fille est, comme dans le cas précédent, fille d’une ogresse. Son action pour protéger le prince s’exerce aussitôt. Elle le cache, parvient, par une ruse, à être sûre que sa mère dort et s’enfuit avec lui dans la nuit. Au matin, l’ogresse les poursuit, franchit les obstacles, ne réussit pas à les rattraper. Son action offensive va alors s’inverser en aune action de défense, de protection de sa fille – ce qui n’était pas le cas dans le conte précédent -. Elle la prévient d’un danger à venir. Et c’est le prince qui, reprenant l’initiative, tombe dans le piège qui leur est tendu. Avant d’être séparé de la,jeune fille aimée, il lui indique la route à suivre. Désormais c’est elle qui agit et, par un subterfuge, parvient à entrer dans la maison des parents du prince, mais, au lieu d’être esclave dans un jardin comme Rayon de soleil, elle est servante-esclave de ses maîtres. Le prince lui est rendu, mais la mère du jeune homme ne peut réellement retrouver son fils qu’avec l’aide d’un vieil homme – comme dans le conte précédent – qui lui en donne les moyens. Dès lors, c’est le prince qui agit, épouse, avec l’accord résigné de sa mère, la jeune fille qui quitte son « statut » d’esclave. Une variation au conte précédant achève celui-ci : le frère du prince veut l’imiter, il épouse une esclave, veut qu’elle perde son « statut » et, celle-ci n’y réussissant pas, il se marie avec un animal femelle à qui il veut aussi faire perdre son « statut ». Mais l’animal femelle le tue et s’installe dans son corps. Amour conquérant de la jeune fille, meurtre du frère imitateur par l’animal femelle qui semble venger ainsi l’animal femelle tué par le prince au début du conte.

Les deux contes qui suivent font état, chacun, de l’erreur d’une femme que l’homme répare. Il n’y a guère d’ambiguïté sur leur statut sauf lorsque l’une d’elle déclare ironiquement, mais au détriment des femmes, qu’elles sont supérieures aux hommes, « parce qu’un homme qui fait ce que lui demande sa femme, même quand il sait qu’il fait mal, est à compter parmi les femmes ».

Le conte intitulé « Le Vieillard du mur » est, en revanche une histoire d’amour, où ce sont deux femmes qui sont en compétition. Les hommes apparaissent l’un, un vieillard, comme ensorcelant, l’autre comme sur-dominant et cruel (le père de l’une des deux femmes), le troisième comme compatissant, le quatrième comme tenu par des femmes et obtenant finalement – sans beaucoup agir – celle qui lui était destinée. Des ogresses y apparaissent, mais n’y jouent qu’un rôle secondaire dans la mesure où elles sont des moyens pour la jeune fille de gagner l’homme qu’elle recherche. L’une des deux femmes en compétition est une esclave qui, par un subterfuge, devient reine ou princesse, mais qui cesse de l’être, vaincue par la jeune fille sa rivale. Cette dernière était devenue esclave, mais, par les objets-sortilèges que Lounja – héroïne d’un conte précédent – lui a donnés, devient la reine ou princesse.

Le conte suivant, « Les trois épouses de Ben Sultan », reprend en première partie le premier contre « Rayon de Soleil ». Mais la deuxième partie vient s’y ajouter, donnant d’abord l’initiative à trois femmes qui épousent successivement le prince. Elles lui indiquent l’une après l’autre ce qu’il doit faire pour surmonter les épreuves qui lui permettront de triompher. de son beau-père incestueux (il veut épouser ses brus). Sans leur aide, il n’aurait pu être vainqueur. Seule la fin du conte se passe entre hommes, un faible et un fort et c’est grâce aux faible et à des ogres que le prince est enfin délivré de son beau-père.

Dans « L’oiseau de la passion », ce sont les hommes qui mènent l’action. Les femmes n’y participent que pour se tromper ou faire le mal. Elles apparaissent, sinon dominées, au moins dévalorisées.

Dans « La chienne noire et le monde des morts », ce sont encore des hommes et surtout l’un d’eux qui ont l’initiative pendant tout une partie du conte. Mais brusquement une femme agit, pour se tirer de la situation où l’a plongée un homme. Le conte s’achève par le mariage de cet homme (qui est pauvre, devient riche, et redevient pauvre) avec la femme redevenue princesse, ce qu’elle était à l’origine. Mais ce mariage semble plus de raison que de coeur, car il sert à annuler le pouvoir du maléfice dont l’homme et la femme avaient usés.

Le conte « L’ Herbe verte » donne aux femmes non seulement l’initiative de l’action et de la défense, mais, à l’une d’entre elles un don magique. Les péripéties du conte confrontent à cette dernière et à ses soeurs d’abord une ogresse soi-disant parente d’elles et dont, après avoir été obligées de la suivre, elles parviennent à se délivrer, puis des hommes, jeunes ou vieux dont elles déjouent les ruses. Grâce à son don magique, Herbe Verte, l’héroïne, et ses soeurs retrouvent leur mère à qui l’ogresse les avaient enlevées.

« Soumicha, la fille de la lampe » commence par un désir d’inceste chez un jeune prince. La jeune fille concernée (sa soeur) s’allie avec une vieille femme, son amie, pour échapper à ce risque d’inceste. Un acte magique d’une deuxième vieille femme, par l’intermédiaire d’une lampe, permet de la cacher. Mais elle se retrouve dans la chambre d’un autre jeune prince qui n’est pas son frère. La fiancée du prince découvre, en son absence, où Soumicha, devenue amie du prince, se cache, et tente de la tuer. Une troisième vieille femme la sauve de la mort.. Le prince revenu retrouve, grâce à un concours d’engraissement de bétail, Soumicha et obtient du roi de l’épouser. Le conte entrelace initiatives de l’héroïne, aides de femmes entre elles, rivalité entre deux femmes, et finalement, triomphe de l’amour masculin grâce à l’amour féminin.

Dans « Ahmed l’enfumé et Aïcha sa soeur », c’est Aïcha qui garde l’initiative tout au long du conte. Elle possède un don magique qui lui servira pour se sauver du malheur. Apparemment, au début du conte, c’est son frère qui agit, en devenant un serviteur zélé du Sultan. Mais il n’y jouera qu’un rôle secondaire et c’est finalement sa soeur qui le tire d’affaire. Mais son don magique ne lui suffit pas pour s’en tirer seule. Elle sera aidée par un animal qu’elle a elle-même secouru et par les frères de l’animal. Mais, auparavant, alors que, grâce à son don magique, elle est destinée à épouser le sultan, lui est substituée une rivale, sa demi-soeur, qui, la rend aveugle. Mais celle-ci n’a pas le don magique et le sultan se venge, croyant que c’est la véritable Aicha, sur son serviteur zélé le frère de la jeune fille. Cette dernière est aidée par une vieille femme, fait appel à l’animal qu’elle avait secouru et à ses frères qui lui rendent la vue. Une femme mariée, jalouse d’elle, la transforme en un oiseau. Comme telle, elle se met à la recherche de son frère, Elle fait usage de son don magique qui étonne le Sultan. iIl parvient à s’emparer d’elle, à la mettre dans une cage, mais elle continue à réclamer son frère. Celui-ci, répond le sultan, a été pendu dans l’âtre d’une cheminée. Il est vivant. L’épouse du sultan qui se méfiait de l’oiseau, voulant le tuer, lui salit les ailes. L’oiseau finit, grâce au sultan, par redevenir une belle jeune fille qui, par son don magique, prouve qu’elle était bien la seule Aïcha. Elle vécut avec le Sultan et avec Ahmed son frère. La demi soeur est, selon la demande d’Aïcha au Sultan, suppliciée. Le conte semble illustrer l’habileté de l’héroïne, mais aussi sa cruauté. vis à vis d’une autre femme.

« Les osselets d’argent » ne parle pas d’amour. Sinon celui d’un père et d’une mère pour leur fille. Pour satisfaire l’un des désirs de cette jeune fille d’avoir des osselets d’argent, le père se lie, sans le savoir, avec un ogre. Lorsqu’il comprend son erreurs, il en meurt. Et c’est la mère, avec l’aide d’un vieil homme, qui trouve le moyen de lutter contre l’ogre . Ce dernier, non seulement lui a enlevé sa fille, mais ses sept fils. Elle met au monde un huitième fils suffisamment fort pour vaincre l’ogre et tous ses enfants reviennent chez elle. Mais, dans ce conte, s’il y initiative de la mère, donc d’une femme, pour rendre possible la résolution du problème et retrouver ses enfants, c’est aussi la force physique de deux hommes se battant entre eux qui permet au huitième fils de vaincre l’ogre.

« La jument mangeuse d’hommes » ne laisse aucune initiative aux femmes., sauf à l’une d’entre elles qui trouve un artifice pour protéger son enfant, un garçon. Tous les enfants des nombreuses femmes du conte sont des garçons. Si leur père meurt, c’est par ordre du roi, un homme. C’est le roi également qui réduit à l’état d’animaux les nombreux enfants-garçons. La jument mangeuse d’hommes est une femelle, elle n’intervient dans le conte qu’à la fin. Le jeune homme qui, à sa naissance, avait été protégé par sa mère est le héros du conte.

« M’Hand et l’ogresse » ne fait pas la part belle aux femmes. Dans le conte, c’est une ogresse, présentée d’abord comme une belle jeune fille dont le fils du roi tombe amoureux, qui devient son épouse cruelle. toujours prête à le dévorer. Le fils du roi est aidé à s’enfuir par une pouliche, née d’une jument qu’il a secourue, mais cette pouliche disparaît du conte sans laisser de traces. Elle lui a seulement permis, en volant dans les airs, d’entrer en rapport avec des oiseaux qui préviennent son père qu’il est poursuivi par l’ogresse. Et c’est un vieil homme sage qui dénoue l’histoire, par ses conseils judicieux qui font périr l’ogresse.

« Où est ton âme ? J’y mettrai la mienne » est un conte philosophique sur l’erreur dans l’amitié, c’est-à-dire sur le fait qu’un ami ne peut trahir son ami et compagnon et que le soupçonner est une trahison de l’amitié. Une jeune fille très belle, Joie de vie, dont la mère est une une ogresse est au centre de l’histoire, mais, à part la supercherie qu’elle invente contre sa mère l’ogresse, elle n’y joue d’autre rôle que d’être aimée par le fils du roi nommé Au delà de toute beauté et d’être aidée par Beauté, l’ami du jeune prince. Un épisode du conte lui donne son titre. Enlevé par le Ravisseur des mariées, la jeune fille lui dit qu’elle ne consentira à l’épouser que si il accepte de lui dire où est son âme, pour qu’elle la mêle à la sienne. Dès qu’il lui révèle où elle est, elle le dit à ses deux compagnons qui, s’emparant de l’âme du Ravisseur de mariées, le font mourir. L’ingratitude du prince se manifeste lorsque Beauté, qui l’a retrouvé après beaucoup de malheurs, veut tuer un animal qui menaçait Joie de vie. Lee prince croit, que par jalousie, il veut tuer sa femme. De chagrin Beauté se laisse mourir et n’est sauvé que grâce à un oiseau qui demande au prince de tuer son propre enfant dont la mère est Joie de vie, pour redonner une âme à son ami mourant. Ce qu’il fait. Mais le « création » veille à tout et ressuscite l’enfant. Le conte este très beau, empruntant des morceaux à des contes précédents, mais ce n’est que secondairement un conte d’amour entre un homme et une femme. C’est, à mon, avis, un conte sur l’amitié entre hommes. Il y a un mêlement (l’expression est de Mauss) d‘âmes qui échoue par la volonté de la jeune fille qui aime le prince et non le Ravisseur de mariées, et un mêlement d’âmes qui réussit : l’âme de l’enfant tué par son père le prince est donnée à l’ami mourant du prince, le sauvant de la mort, tandis que la « création » sauve de la mort l’enfant, en lui redonnant une âme. Le mêlement d’âmes est masculin. Quant au mêlement des âmes et des corps entre le jeune fille et le prince, pour laquelle elle se donne tant de mal, on n’en parle pas. Et je ne peux en parler, puisqu’il n’y a pas d’anthropologie de l’intime.

« Slilwan par delà la rivière de Kiruan »: dans ce conte, une mère et des frères parviennent à sauver leur fille et soeur Slilwan enlevée par un ogre. C’est la mère qui trouve un procédé qui pousse ses fils, avec l’aide d’un vieux sage, à retrouver leurs soeur. Mais l’ogre semble quelque peu amoureux de Slilwan qu’il ne dévore pas et maintient contre lui. Lorsqu’il la perd, il la cherche, la retrouve et tente de la séduire. Mais les frères tuent l’ogre « amoureux ». Cet ogre « amoureux » est, semble-il, une précaution de la conteuse pour préserver quelque chose qui ne doit pas disparaître.

Dans « Fibule d’argent », l’ogre ne dévore pas non plus la jeune fille dont il se contente de sucer, par le petit doigt, tout son sang. Imprudente, la jeune fille a dérobé dans le foyer de l’ogre la braise qui lui est nécessaire pour rallumer son propre foyer éteint par son chat. La jeune fille s’affaiblit. Aidés par un vieux sage, ses frères tendent un piège à l’ogre, en servant de la braise que Fibule d’argent lui avait empruntée. L’ogre explose et ses morceaux donnent naissance à une herbe contre les brûlures. Le conte n’est pas un conte d’amour, mais des métaphores y circulent : chat, braise, sucer le sang, petit doigt, braise de nouveau, enfin herbe qui guérit les brûlures. Ces métaphores semblent une sorte de précaution de la conteuse ayant la même fonction que dans le conte précédent.

« Le crapaud polygame » est un conte en forme de fable. L’histoire se passe entre animaux : un mâle crapaud et deux femelles, une grenouille et une fourmi. L’amour y est présent entre le crapaud et la fourmi. Mais, pour prouver à sa rivale que le crapaud l‘aime plus qu’elle, la grenouille invente une ruse. C’est le crapaud qui déjoue la ruse de la grenouille. La morale de l’histoire est apparemment en faveur du mâle.

Dans le dernier conte « Le laurier et la rose », l’amour ne réunit un époux et une épouse que dans la mort. Les péripéties de l’histoire font apparaître un homme blanc, fils d’un roi des génies, et un homme noir esclave. Une jeune fille qui vit dans un palais et refuse tous les prétendants épouse l’homme blanc, fils de roi. On ne parle plus de l’homme noir esclave. Elle est enceinte, mais le jeune homme, son époux, est rappelé par le roi son père qui veut le marier comme il l’entend. Celui-ci promet à sa femme de revenir. La jeune fille l’attend, puis, pour le rejoindre, se déguise. Elle arrive au palais du roi des génies, son mari la reconnait et exige qu’elle entre, avec l’âne qui la portait, dans la chambre nuptiale où se trouve la nouvelle mariée. Désespérée, le jeune fille déguisée se jette par la fenêtre, parvient à se faire tuer par un arbre, son mari la suit dans la mort et la nouvelle mariée, tout aussi désespérée que la précédente, se tue aussi. Seul l’âne reste vivant. Le conte s’achève par une allégorie : deux roses séparées par un laurier et se penchant l’une vers l’autre. Un vieux sage interprète pour le roi cette allégorie ; ce dernier doit enlever le laurier pour que les deux roses se rejoignent dans la mort.

On le voit, dans ces vingt contes, l’imaginaire féminin, celui de femmes dominées par des hommes, s’en donne à coeur joie, pour multiplier les actes magiques d’hommes, de femmes, d’animaux. L’ennemi(e), souvent présent(e) est l’ogre ou l’ogresse, qui sont des hybrides, soit entre homme et animal, soit entre femme et animal., bien qu’une des conteuses définisse un ogre comme un hybride entre homme et esprit, définition qui peut s’appliquer aussi à une ogresse Il est le dominant un peu extérieur que, homme ou femme, l’on peut vaincre. Par ailleurs, les statuts valorisés sont en général ceux des hommes. Less filles de rois sont mariées selon la volonté de leur père. Mais, comme je l’ai dit, quelque chose se glisse, ici ou là dans les histoires : un ogre « amoureux », un lien d’âmes, chemins de traverse des conteuses, comme si elles ne voulaient pas perdre tout espoir.